ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)
6 octobre 2015 (*)
«Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Dépôt d’un acte de procédure – Original comportant la signature manuscrite – Délai de recours – Tardiveté – Pourvoi manifestement non fondé»
Dans l’affaire C-181/15 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 avril 2015,
Marpefa SL, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me I. Barroso Sánchez-Lafuente, abogado,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant:
Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI),
partie défenderesse en première instance,
Kabushiki Kaisha Sony Computer Entertainment, établie à Tokyo (Japon),
partie intervenante en première instance,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça et C. Lycourgos (rapporteur), juges,
avocat général: Mme E. Sharpston,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Marpefa SL (ci-après «Marpefa») demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne Marpefa/OHMI – Sony Computer Entertainment (PSVITA et PLAYSTATION VITA) (T-708/14, EU:T:2015:93, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation des décisions de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) des 2 et 4 juillet 2014 (affaires R 1813/2013-2, R 2013/2013-2, R 1626/2013-2 et R 1631/2013-2), relatives à des procédures d’opposition entre Marpefa et Kabushiki Kaisha Sony Computer Entertainment.
Le cadre juridique
2 L’article 43, paragraphes 1 et 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 (JO L 136, p. 1), tel que modifié le 19 juin 2013 (JO L 173, p. 66, ci-après le «règlement de procédure du Tribunal»), prévoit:
«1. L’original de tout acte de procédure doit être signé par l’agent ou l’avocat de la partie.
[...]
6. Sans préjudice des dispositions des paragraphes 1 à 5, la date à laquelle une copie de l’original signé d’un acte de procédure, y compris le bordereau des pièces et documents visé au paragraphe 4, parvient au greffe par télécopieur ou tout autre moyen technique de communication dont dispose le Tribunal, est prise en considération aux fins du respect des délais de procédure, à condition que l’original signé de l’acte, accompagné des annexes et des copies visées au paragraphe 1, deuxième alinéa, soit déposé au greffe au plus tard dix jours après. [...]»
La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
3 Par requête parvenue par courrier électronique au greffe du Tribunal le 22 septembre 2014, Marpefa a introduit un recours tendant à l’annulation de quatre décisions de l’OHMI, dont trois lui ont été notifiées le 11 juillet 2014 et la quatrième le 15 juillet 2014.
4 Le 30 septembre 2014, une version sur papier de la requête et une lettre d’accompagnement datée du 26 septembre 2014 sont parvenues au greffe du Tribunal, ainsi que six copies, certifiées conformes, de la requête et certaines pages la corrigeant. La lettre d’accompagnement, qui n’avait pas été communiquée par courrier électronique, comportait la signature manuscrite de l’avocat de Marpefa. La requête était une copie scannée, pourvue de la signature scannée de cet avocat et non de sa signature manuscrite. Le greffe a fait part du défaut de signature manuscrite au représentant de Marpefa.
5 Par courrier en date du 1er octobre 2014, parvenu au greffe le 2 octobre 2014, l’avocat de Marpefa a adressé au greffe la dernière page de la requête portant sa signature manuscrite. Cette signature n’était cependant pas identique à celle apposée sur la copie de la requête envoyée par courrier électronique le 22 septembre 2014. L’avocat de la requérante en a été informé par télécopie du 23 octobre 2014.
6 Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours de Marpefa pour irrecevabilité manifeste sans le notifier à l’OHMI.
Les conclusions de la partie requérante et la procédure devant la Cour
7 La requérante demande l’annulation de l’ordonnance attaquée et la poursuite de la procédure contre les décisions de l’OHMI des 2 et 4 juillet 2014 visées par son recours introduit devant le Tribunal.
8 Le 29 avril 2015, le président de la Cour a décidé de ne pas signifier le présent pourvoi aux autres parties.
Sur le pourvoi
9 En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, cette dernière peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter totalement ou partiellement ce pourvoi, par voie d’ordonnance motivée.
10 Il y a lieu de faire usage de cette disposition dans la présente affaire.
11 Dans la mesure où les trois moyens invoqués par Marpefa sont liés à l’interprétation de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, il convient de les examiner ensemble.
Argumentation de la requérante
12 Par ses moyens, Marpefa estime, tout d’abord, que, contrairement à ce que retient le Tribunal au point 14 de l’ordonnance attaquée, elle a satisfait aux exigences de sécurité juridique imposées par l’article 43 du règlement de procédure du Tribunal dans la mesure où le mémoire envoyé par courrier électronique le 22 septembre 2014 et l’original de ce mémoire envoyé ultérieurement étaient dûment signés par son avocat.
13 Marpefa soutient ensuite que le Tribunal estime à tort, au point 15 de l’ordonnance attaquée, que l’article 43 du règlement de procédure du Tribunal impose au représentant de la requérante de déposer l’original d’un acte signé à la main. Selon la requérante, une signature scannée pourrait être considérée comme une signature manuscrite à la condition que cette reproduction ait été faite avec le consentement de l’auteur de ladite signature.
14 En outre, elle souligne que la notion d’écriture manuscrite ne fait pas référence à la seule écriture réalisée à la main, mais se réfère également à une catégorie spécifique de polices d’écriture dans la publication et l’édition de textes comprenant des modèles d’écriture qui simulent l’écriture calligraphique ou typographique exécutée à la main.
15 Enfin, la requérante soutient que le fait de ne pas considérer une signature scannée comme une signature manuscrite produit une insécurité juridique à l’égard des parties et que l’article 43 du règlement de procédure du Tribunal, qui primerait sur les instructions pratiques aux parties, ne précise pas de quelle manière cette signature doit être faite.
Appréciation de la Cour
16 L’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal dispose que «[l]’original de tout acte de procédure doit être signé par l’agent ou l’avocat de la partie».
17 Cette disposition signifie sans équivoque que l’agent ou l’avocat de la partie doit apposer de sa main sa signature sur l’acte de procédure dont il souhaite faire enregistrer le dépôt par le greffe du Tribunal.
18 D’une part, cette interprétation découle de l’utilisation, par l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, du terme «original» pour qualifier l’acte de procédure. Cette disposition se réfère uniquement aux actes de procédure dont l’original est établi sur papier. Pour de tels actes, le caractère original de l’acte ne peut résulter que du caractère original de la signature y figurant, qui doit donc être apposée de la main de l’auteur de l’acte en question. D’autre part, l’emploi des termes «signé par [...] l’avocat de la partie» confirme également cette interprétation.
19 Cette lecture est d’ailleurs conforme aux objectifs de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal tels qu’ils résultent de la jurisprudence de la Cour.
20 Il convient, à ce propos, de rappeler qu’une personne ne peut valablement représenter les parties visées à l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, à savoir les parties autres que les États membres, les institutions de l’Union, les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»), autres que lesdits États membres, et l’Autorité de surveillance AELE, que si elle remplit deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, qu’elle ait la qualité d’avocat et, d’autre part, qu’elle soit habilitée à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE (voir, en ce sens, ordonnances Comunidad Autónoma de Valencia/Commission, C-363/06 P, EU:C:2006:799, point 21, et Brown Brothers Harriman/OHMI, C-101/14 P, EU:C:2014:2115, point 15).
21 À cet égard, la jurisprudence de la Cour retient que l’exigence relative à la signature par un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE constitue une condition de forme substantielle, qui ne figure pas au nombre des exigences susceptibles de faire l’objet d’une régularisation après l’expiration du délai de recours conformément à l’article 44, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, et dont l’inobservation entraîne l’irrecevabilité (voir ordonnances Interspeed/Commission, C-471/12 P, EU:C:2013:418, point 10, et Brown Brothers Harriman/OHMI, C-101/14 P, EU:C:2014:2115, point 21).
22 Il résulte de ces considérations que l’exigence, imposée par l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, que l’original de tout acte de procédure porte une signature manuscrite, à savoir une signature apposée de sa main par l’auteur de l’acte de procédure concerné, vise, dans un but de sécurité juridique, à garantir l’authenticité dudit acte de procédure et à exclure le risque que celui-ci ne soit pas, en réalité, l’œuvre de l’auteur habilité à cet effet.
23 Par ailleurs, l’exigence d’une signature manuscrite est corroborée par l’économie générale de l’article 43 du règlement de procédure du Tribunal. En effet, le paragraphe 6 de cet article prévoit que la date à laquelle une copie de l’original signé d’un acte de procédure parvient au greffe du Tribunal, par télécopieur ou par tout autre moyen technique de communication dont dispose le Tribunal, n’est prise en considération, aux fins du respect des délais de procédure, que si l’original signé de l’acte est déposé à ce greffe au plus tard dix jours après la réception de ladite copie.
24 Cette disposition serait privée de tout effet utile si l’original ne devait pas comporter de signature manuscrite. En effet, l’exigence du dépôt de cet original signé n’a de sens que si ledit original a une force probante, en ce qui concerne l’identité de son auteur, supérieure à celle de la copie déjà reçue par le greffe du Tribunal. Si, comme en l’espèce, la version sur papier de l’acte de procédure reçue par le greffe ne porte qu’une signature scannée, sa force probante quant à l’identité de son auteur ne se distingue en rien de la copie reçue précédemment par télécopie ou autre moyen technique.
25 En l’espèce, le Tribunal, après avoir rappelé les règles de procédure applicables, a constaté, au point 17 de l’ordonnance attaquée, que la version sur papier de la requête, déposée le 30 septembre 2014, comportait une signature scannée et ne pouvait donc être considérée comme signée de façon manuscrite et, partant, constituer l’original de l’envoi effectué par courrier électronique le 22 septembre 2014. En outre, il a également constaté, au point 19 de cette ordonnance, que le dépôt, effectué le 2 octobre 2014, de la page de l’original de la requête portant la signature manuscrite de l’avocat de la requérante ne pouvait régulariser l’absence de dépôt de l’original signé de la requête, dans la mesure où, outre le fait que le texte intégral de la requête n’avait pas fait l’objet de ce dépôt du 2 octobre 2014, la signature figurant sur la page reçue ce jour-là n’était pas identique à celle apposée sur la copie de la requête envoyée par courrier électronique le 22 septembre 2014.
26 Au regard des constatations effectuées, c’est à bon droit que le Tribunal a retenu que l’original signé de la requête n’avait pas été déposé dans les dix jours suivant l’envoi de la copie de ladite requête par courrier électronique et que, par conséquent, la requérante n’avait pas introduit son recours avant l’expiration du délai de recours, en l’espèce, les 22 et 25 septembre 2014.
27 Dès lors, le pourvoi doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
Sur les dépens
28 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184 de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
29 La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête à la partie défenderesse et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que Marpefa supportera ses propres dépens.
30 Par ailleurs, le pourvoi ne contient aucune demande relative aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Marpefa SL supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure: l’espagnol.