ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
10 novembre 2021 (*)
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »
Dans l’affaire C-415/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 7 juillet 2021,
Comercializadora Eloro SA, établie à Ecatepec (Mexique), représentée par Mes J. L. Gracia Albero, P. Merino Baylos, et E. Cebollero González, abogados,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
Zumex Group SA, établie à Moncada (Espagne),
partie intervenante en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois),
composée de M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, MM. N. Jääskinen (rapporteur) et M. Safjan, juges,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. P. Pikamäe, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Comercializadora Eloro SA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 avril 2021, Comercializadora Eloro/EUIPO – Zumex Group (JUMEX) (T-310/20, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:227), par lequel celui-ci a rejeté le recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 9 mars 2020 (affaire R 534/2019-2), relative à une procédure d’opposition entre Zumex Group et Comercializadora Eloro.
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.
6 À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la partie requérante développe quatre arguments fondés sur une interprétation erronée de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1) et une violation de la jurisprudence y afférente, afin d’établir que les moyens de son pourvoi soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, justifiant, selon elle, l’admission de ce pourvoi.
7 Par son premier argument, la partie requérante fait valoir que, en n’ayant pas tenu compte du profil linguistique des consommateurs, le Tribunal a, aux points 29 et 30 de l’arrêt attaqué, appliqué de manière erronée sa propre jurisprudence, ainsi que la jurisprudence de la Cour, issue notamment de l’arrêt du 18 septembre 2008, Armacell/OHMI (C-514/06 P, non publié, EU:C:2008:511, point 57). En effet, alors que la chambre de recours se serait limitée à prendre en compte un public destinataire déterminé, à savoir le public hispanophone, le Tribunal, en prenant en considération la totalité du public pertinent, à savoir tout le public de l’Union, aurait porté atteinte aux droits de la défense, violé le principe du caractère unitaire de la marque de l’Union et, par conséquent, l’unité et la cohésion du droit de l’Union.
8 Par son deuxième argument, la partie requérante fait valoir, premièrement, que le Tribunal a commis des erreurs de droit en ce qui concerne l’interprétation du contenu sémantique des éléments verbaux des signes en conflit. Elle invoque, d’abord, une dénaturation des moyens de preuve par le Tribunal. Elle soutient ainsi que le Tribunal n’a pas apprécié les éléments de preuve qu’elle a présentés, ce qui porterait atteinte à l’unité et à la cohérence du droit de l’Union ainsi qu’au droit à une protection juridictionnelle effective des parties. En outre, la requérante soutient que le Tribunal a imposé une charge de la preuve plus lourde que celle exigée par la jurisprudence, issue notamment de l’arrêt du 13 février 2014, H. Gautzsch Großhandel (C-479/12, EU:C:2014:75, point 43), impliquant une violation de cette jurisprudence et une menace pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union. Enfin, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu la jurisprudence résultant de l’arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI (C-24/05 P, EU:C:2006:421, point 23), dans la mesure où il n’aurait tenu compte ni de la relation entre les éléments analysés et les produits visés, ni de la perception du public pertinent. Par cette méconnaissance, qui aurait donné lieu à une décision arbitraire et subjective, le Tribunal aurait violé l’unité et la cohérence du droit de l’Union.
9 Deuxièmement, la partie requérante reproche au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit en ce qui concerne l’appréciation du caractère distinctif des éléments verbaux des marques en cause, en s’écartant, aux points 34, 36, 38 à 40 de l’arrêt attaqué, de sa jurisprudence en matière de décomposition d’un signe en éléments verbaux suggérant, pour le public, une signification concrète. Ce faisant, le Tribunal aurait également violé l’unité et la cohérence du droit de l’Union.
10 Par son troisième argument, la partie requérante reproche au Tribunal d’avoir apprécié le caractère distinctif des éléments figuratifs qui composent les signes en cause en contradiction avec les faits établis et les décisions rendues en l’espèce par l’EUIPO. En particulier, en se fondant sur des critères autres que ceux utilisés pour l’examen du caractère distinctif des éléments verbaux et en s’éloignant des décisions de l’EUIPO, le Tribunal aurait violé, d’une part, les principes d’unité et de cohésion, et, d’autre part, mis en danger le développement du droit. La partie requérante soutient également que le Tribunal, en ayant effectué, aux points 32 et 33 de l’arrêt attaqué, une analyse détaillée et précise des éléments, s’est livré à une application erronée de la jurisprudence de la Cour ainsi que de sa propre jurisprudence.
11 Par son quatrième et dernier argument, la partie requérante allègue que le Tribunal a, aux points 37 à 40 de l’arrêt attaqué, comparé les signes en cause sur le plan visuel, phonétique et conceptuel, sans appliquer les principes jurisprudentiels consolidés, et s’est écarté de la jurisprudence portant sur l’appréciation globale du risque de confusion. À cet égard, la partie requérante considère qu’admettre l’existence de décisions contradictoires dénature les principes d’unité et cohésion du droit et vide de son contenu toute garantie de sécurité et de légalité juridique.
12 Afin d’examiner la demande d’admission du pourvoi présentée par la partie requérante, il convient de relever, à titre liminaire, que c’est à celle-ci qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).
13 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 14 et jurisprudence citée).
14 Ainsi, une demande d’admission d’un pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).
15 En effet, une demande d’admission d’un pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).
16 En l’occurrence, s’agissant des arguments figurant aux points 7 à 11 de la présente ordonnance, qui peuvent être examinés conjointement, il convient de constater que, si la partie requérante identifie, certes, des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’elle n’explique pas à suffisance ni, en tout état de cause, ne démontre en quoi de telles erreurs de droit, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifieraient l’admission du pourvoi.
17 À cette fin, la partie requérante doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’elle invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement des arguments d’ordre général (ordonnance du 25 mars 2021, Ultrasun/EUIPO, C-722/20 P, non publiée, EU:C:2021:255, point 18 et jurisprudence citée). Or, une telle démonstration ne ressort pas de la présente demande.
18 En effet, la partie requérante ne fournit pas d’éléments concrets et propres au cas d’espèce afin d’établir en quoi les erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal dans la détermination du public pertinent et la violation de la jurisprudence y afférente, de même que dans l’appréciation du contenu sémantique des éléments verbaux des signes en cause, du caractère distinctif de ces éléments et des éléments figuratifs desdits signes ainsi que de la similitude entre les signes en conflit, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
19 Par ailleurs, concernant l’argumentation selon laquelle le Tribunal aurait, par l’arrêt attaqué, méconnu sa jurisprudence et celle de la Cour, il convient de relever qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance. Or, en l’occurrence, si la partie requérante précise les points de l’arrêt attaqué et ceux des décisions de la Cour et du Tribunal qui auraient été méconnus, elle ne fournit toutefois pas, à suffisance de droit, les raisons concrètes pour lesquelles de telles méconnaissances, à les supposer établies, soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
20 Quant à l’argumentation relative à la détermination erronée du public pertinent et à l’appréciation erronée du caractère distinctif des éléments verbaux et figuratifs ainsi que de la similitude des signes en cause, il apparaît, en tout état de cause, que, par celle-ci, la partie requérante cherche, en substance, à remettre en cause les appréciations factuelles auxquelles s’est livré le Tribunal. Or, une telle argumentation ne saurait, en principe, être susceptible de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 18 mai 2021, Embutidos Monells/EUIPO, C-59/21 P, non publiée, EU:C:2021:396, point 18).
21 Enfin, dans la mesure où l’argumentation de la partie requérante se réfère à de prétendues dénaturations des faits et des preuves commises par le Tribunal, il convient de relever qu’une telle argumentation ne saurait, en principe, être susceptible, en tant que telle et même à la supposer fondée, de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 18 mars 2021, Laboratorios Ern/EUIPO, C-667/20 P, non publiée, EU:C:2021:223, point 18 et jurisprudence citée).
22 Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la partie requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
23 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.
Sur les dépens
24 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
25 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) Comercializadora Eloro SA supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.