ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
13 novembre 2018 (*)
« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Demande d’enregistrement de la marque verbale EZMIX – Rejet de la demande – Règlement (CE) no 207/2009 – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c) – Articles 65, 75 et 76 – Caractère descriptif – Perception du public pertinent – Droit d’être entendu – Principe de l’examen d’office – Obligation de motivation – Dénaturation – Éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal »
Dans l’affaire C-48/18 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 janvier 2018,
Toontrack Music AB, établie à Umeå (Suède), représentée par Me L.-E. Ström, advokat,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot, président de la première chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. A. Arabadjiev (rapporteur) et C. G. Fernlund, juges,
avocat général : M. Y. Bot,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Toontrack Music AB demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 22 novembre 2017, Toontrack Music/EUIPO (EZMIX) (T-771/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:826), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 27 juillet 2016 (affaire R 2436/2015-5), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal EZMIX comme marque de l’Union européenne (ci-après la « décision litigieuse »).
Le cadre juridique
2 L’article 7 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21) (ci-après le « règlement no 207/2009 »), intitulé « Motifs absolus de refus », dispose, à son paragraphe 1, sous b) et c) :
« Sont refusés à l’enregistrement :
[...]
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».
3 L’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 prévoit :
« Le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union. »
4 L’article 65 de ce règlement, intitulé « Recours devant la Cour de justice », est libellé comme suit :
« 1. Les décisions des chambres de recours statuant sur un recours sont susceptibles d’un recours devant le Tribunal.
2. Le recours est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir.
3. Le Tribunal a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée.
4. Le recours est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions.
5. Le recours est formé devant le Tribunal dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la chambre de recours.
6. L’Office prend les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal ou, en cas de pourvoi contre cet arrêt, de celui de la Cour de justice. »
5 L’article 75 dudit règlement, intitulé « Motivation des décisions », énonce :
« Les décisions de l’Office sont motivées. Elles ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. »
6 Aux termes de l’article 76 du règlement no 207/2009, intitulé « Examen d’office des faits » :
« 1. Au cours de la procédure, l’Office procède à l’examen d’office des faits ; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. [...]
2. L’Office peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile. »
Les antécédents du litige
7 Le 13 avril 2015, Toontrack Music a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement no 207/2009.
8 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal EZMIX.
9 Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 15 et 42, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’« arrangement de Nice »), et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 9 : « Logiciels ; enregistrements musicaux et fichiers de musique téléchargeables ; logiciels pour production musicale, y compris hébergement de répertoires de sons ; logiciels de contrôle et d’amélioration de la qualité sonore d’équipements audio ; logiciels sous forme de répertoires de sons ; enregistrements audiomusicaux ; enregistrements sonores contenant des répertoires de sons ; série d’enregistrements sonores musicaux ; jeux informatiques » ;
– classe 15 : « Instruments de musique » ;
– classe 42 : « Conception et développement de logiciels ; conception et développement de logiciels pour production musicale et de logiciels de composition musicale ; conception et développement de logiciels sous forme de répertoires de sons ».
10 Par lettre du 22 avril 2015, l’examinateur de l’EUIPO a formulé des objections à l’enregistrement de la marque demandée sur le fondement des motifs visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009.
11 Toontrack Music a présenté ses observations à ce sujet le 3 juillet 2015 et a limité, à cette occasion, conformément à l’article 43, paragraphe 1, de ce règlement, la liste des produits et des services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, de manière à ne couvrir que les produits et les services relevant des classes 9 et 42, au sens de l’arrangement de Nice, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 9 : « Logiciels de composition musicale ; logiciels pour production musicale ; logiciels de contrôle et d’amélioration de la qualité sonore d’équipements audio ; logiciels sous forme de répertoires de sons ; enregistrements audiomusicaux ; enregistrements sonores contenant des répertoires de sons ; série d’enregistrements sonores musicaux ; logiciels de traitement d’images » ;
– classe 42 : « Conception et développement de logiciels pour production musicale et logiciels de composition musicale ; informatique en nuage ».
12 Par décision du 9 octobre 2015, l’examinateur de l’EUIPO a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point précédent, à l’exception des produits et des services relevant de la classe 42, au sens de l’arrangement de Nice, et correspondant à la description suivante, à savoir « Informatique en nuage », pour lesquels l’enregistrement a été accepté.
13 Le 8 décembre 2015, Toontrack Music a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, contre ladite décision.
14 Dans le cadre de ce recours, Toontrack Music a présenté, le 9 février 2016, une nouvelle définition de la liste des produits et des services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, de manière à ne couvrir que les produits et les services relevant des classes 9 et 42, au sens de l’arrangement de Nice, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 9 : « Logiciels de composition musicale ; logiciels pour production musicale ; logiciels pour production musicale, plus précisément pour simulation d’amplificateur ; logiciels de contrôle et d’amélioration de la qualité sonore d’équipements audio ; logiciels de contrôle et d’amélioration de la qualité sonore d’équipements audio, plus précisément pour simulation d’amplificateur ; logiciels sous forme de répertoires de sons ; enregistrements sonores contenant des répertoires de sons ; série d’enregistrements sonores musicaux ; logiciels de traitement d’images ; tous ces produits étant destinés à être utilisés avec des stations audionumériques (DAW) et pour compositeurs et créateurs de musique professionnels. Compositeurs et créateurs de musique » ;
– classe 42 : « Conception et développement de logiciels pour production musicale et logiciels de composition musicale ; conception et développement de logiciels sous forme de répertoires de sons ; tous ces produits étant destinés à être utilisés avec des stations audionumériques (DAW) et uniquement pour compositeurs et créateurs de musique professionnels ; informatique en nuage ».
15 Par la décision litigieuse, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
16 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 24 octobre 2016, Toontrack Music a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
17 À l’appui de son recours, Toontrack Music a invoqué trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 43 du règlement no 207/2009, le deuxième, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, et le troisième, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, dudit règlement.
18 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours.
Les conclusions des parties devant la Cour
19 Toontrack Music demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– à titre principal, de juger définitivement l’affaire en faisant droit aux conclusions formulées en première instance ;
– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et
– de condamner l’EUIPO aux dépens.
20 L’EUIPO demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner Toontrack Music aux dépens.
Sur le pourvoi
21 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.
22 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
23 À l’appui de son pourvoi, Toontrack Music invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, le deuxième, d’une violation de l’article 76 de ce règlement, ce qui aurait amené le Tribunal à dénaturer certains éléments de preuve concernant l’appréciation du caractère descriptif du signe en cause, et, le troisième, d’une violation des articles 65 et 75 dudit règlement.
Sur la première branche du premier moyen
Argumentation des parties
24 Par la première branche de son premier moyen, Toontrack Music fait valoir que le Tribunal a estimé à tort que le signe EZMIX présente un caractère descriptif. Elle soutient que ce signe ne produit pas immédiatement et sans autre réflexion du public pertinent un rapport avec les produits et les services pour lesquels son enregistrement est demandé. Une marque possédant un caractère allusif, comme le signe EZMIX, impliquerait un degré d’association plus faible avec les produits et les services concernés.
25 Le néologisme « EZMIX » ne donnerait pas directement d’information au public pertinent quant à l’utilisation et à la réalisation des produits et des services en cause. En particulier, Toontrack Music fait observer que le mixage de sons constitue un processus complexe et que le signe EZMIX n’informe pas le public pertinent des différentes étapes de ce processus ni du déroulement du processus créatif. Ainsi, le caractère allusif de ce signe lui conférerait un caractère distinctif.
26 Dès lors, le Tribunal aurait conclu, à tort, au caractère descriptif du signe EZMIX, ce qui l’aurait amené à ne pas conduire une analyse au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.
27 L’EUIPO conteste cette argumentation.
Appréciation de la Cour
28 Il résulte de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (ordonnance du 21 avril 2016, ultra air/EUIPO, C-232/15 P, non publiée, EU:C:2016:299, point 42 et jurisprudence citée).
29 Il convient de rappeler que les constatations relatives aux caractéristiques du public pertinent et à l’attention, à la perception ou à l’attitude de celui-ci relèvent du domaine des appréciations de nature factuelle. Il en est de même s’agissant de l’appréciation de la compréhension par le public pertinent d’une marque verbale (ordonnance du 21 avril 2016, ultra air/EUIPO, C-232/15 P, non publiée, EU:C:2016:299, point 41 et jurisprudence citée).
30 Par ses arguments, Toontrack Music cherche à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal en ce qui concerne la perception du public pertinent et à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation de ces faits.
31 Aucune dénaturation des faits ou des éléments de preuve soumis au Tribunal n’ayant toutefois été invoquée par Toontrack Music dans le cadre de la première branche du premier moyen, ses arguments doivent être rejetés comme étant manifestement irrecevables.
32 S’agissant du reproche de Toontrack Music selon lequel le Tribunal aurait dû faire une analyse au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il y a lieu de relever que le Tribunal a jugé que le signe présenté à l’enregistrement revêt un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Or, ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 65 de l’arrêt attaqué, il suffit que l’un des motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement s’applique pour que le signe en cause ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne. Dès lors, cet argument doit être écarté comme manifestement non fondé.
33 Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être écartée comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondée.
Sur la seconde branche du premier moyen
Argumentation des parties
34 Par la seconde branche de son premier moyen, Toontrack Music reproche au Tribunal d’avoir considéré à tort, au point 35 de l’arrêt attaqué, qu’elle n’a pas contesté que le terme « ez » est omniprésent sur Internet et est couramment utilisé en langue anglaise informelle et dans le commerce avec la signification d’« easy ». Selon Toontrack Music cette erreur de droit a eu une incidence préjudiciable sur le résultat de l’interprétation effectuée par le Tribunal de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.
35 L’EUIPO conteste cette argumentation.
Appréciation de la Cour
36 Quant à la seconde branche du premier moyen, il suffit de relever que, au point 36 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, considéré que c’est sans commettre d’erreur que la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a considéré que toute personne ayant une bonne connaissance de la langue anglaise, notamment le public pertinent, comprendra immédiatement la signification descriptive d’« ez » dans la marque demandée EZMIX comme synonyme de « facile, simple », impliquant ainsi que la fréquence d’utilisation de ce terme n’a pas de signification primordiale dans le cadre de l’analyse de la perception du public pertinent. Par conséquent, l’erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal au point 35 de l’arrêt attaqué est restée, en tout état de cause, sans incidence sur l’appréciation par cette juridiction du signe en cause au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Cet argument de Toontrack Music est, par conséquent, inopérant et doit être écarté.
37 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
38 Par son deuxième moyen, Toontrack Music reproche au Tribunal et à l’EUIPO d’avoir violé l’article 76 du règlement no 207/2009. Toontrack Music fait grief au Tribunal d’avoir repris la motivation contenue au point 36 de la décision litigieuse et de ne pas avoir suffisamment motivé la constatation selon laquelle la facilité de mixage est un argument de vente majeur dans le segment du marché du matériel et des logiciels utilisés pour les enregistrements et les mixages de musique, ce qui aurait amené cette juridiction à dénaturer certains éléments de preuve du dossier qui lui était soumis.
39 L’EUIPO conteste cette argumentation.
Appréciation de la Cour
40 En premier lieu, pour autant que Toontrack Music fait grief à la cinquième chambre de recours de l’EUIPO d’avoir violé l’article 76 du règlement no 207/2009, il suffit de rappeler que les arguments d’un pourvoi qui critiquent non pas l’arrêt rendu par le Tribunal à la suite d’une demande d’annulation d’une décision, mais la décision dont l’annulation a été demandée devant le Tribunal, ne sont pas recevables (ordonnance du 8 septembre 2015, DTL Corporación/OHMI, C-62/15 P, non publiée, EU:C:2015:568, point 34).
41 Ainsi, dans la mesure où les arguments présentés par Toontrack Music dans le cadre du deuxième moyen critiquent la décision litigieuse, il convient de les rejeter comme manifestement irrecevables.
42 En deuxième lieu, dans la mesure où Toontrack Music allègue que le Tribunal a violé le principe de l’examen d’office contenu à l’article 76 du règlement no 207/2009, en entérinant des constatations figurant dans la décision litigieuse, lesquelles auraient été elles-mêmes établies en violation de ce principe, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi devant la Cour doit être rejeté comme irrecevable. En effet, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui (ordonnance du 10 octobre 2012, ara/OHMI, C-611/11 P, non publiée, EU:C:2012:626, point 58).
43 Or, il est constant que la question de savoir si la décision litigieuse a été prise en violation du principe de l’examen d’office énoncé à l’article 76 du règlement no 207/2009 n’a pas été invoquée par Toontrack Music à l’appui de son recours devant le Tribunal et n’a donc pas été débattue devant ce dernier.
44 Dans ces conditions, l’argumentation de Toontrack Music tirée d’une violation de l’article 76 du règlement no 207/2009 est irrecevable.
45 En troisième lieu, pour autant que Toontrack Music fait grief au Tribunal de ne pas avoir suffisamment motivé l’arrêt attaqué, car il n’aurait pas spécifié les éléments de preuve qui l’ont conduit à la constatation, au point 42 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la facilité de mixage est un argument de vente majeur dans le segment du marché du matériel et des logiciels utilisés pour les enregistrements et les mixages de musique, il suffit de constater que le raisonnement exposé par le Tribunal aux points 40 à 46 de l’arrêt attaqué est de nature à permettre à Toontrack Music de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal est parvenu à cette constatation. Il ressort notamment du point 44 de l’arrêt attaqué et, en particulier, de la référence faite par le Tribunal à plusieurs extraits d’articles présentés par Toontrack Music que cette juridiction a apprécié les éléments de preuve dans le cadre de son analyse relative au public pertinent et à sa perception de la marque demandée. Dès lors, il convient de constater que cet argument doit être écarté comme manifestement non fondé.
46 Enfin, en ce qui concerne le reproche de Toontrack Music selon lequel le Tribunal a dénaturé certains éléments de preuve lors de son analyse relative à la perception du public pertinent de la marque demandée, il convient de rappeler que, pour que la Cour soit en mesure de statuer, il appartient au requérant d’indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et de démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à cette dénaturation (ordonnance du 14 décembre 2017, Verus/EUIPO, C-101/17 P, non publiée, EU:C:2017:979, point 30).
47 Cependant, en l’espèce, Toontrack Music n’identifie pas dans sa requête les éléments de preuve prétendument dénaturés. Par conséquent, un tel argument doit être écarté comme manifestement irrecevable.
48 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
49 Par son troisième moyen, Toontrack Music fait valoir que le Tribunal a violé les articles 65 et 75 du règlement no 207/2009, d’une part, en ayant omis de lui donner l’occasion d’être entendue sur un élément de fait invoqué pour la première fois par l’EUIPO dans la décision litigieuse et, d’autre part, en ayant écarté comme irrecevables les éléments de preuve qu’elle a présentés devant lui aux fins de la contestation de cet élément de fait.
50 À cet égard, Toontrack Music précise que l’EUIPO a invoqué pour la première fois, au point 36 de la décision litigieuse, le fait que la facilité de mixage est un argument de vente majeur dans le segment du marché du matériel et des logiciels utilisés pour les enregistrements et les mixages de musique. Il s’ensuivrait que ce n’est que devant le Tribunal que Toontrack Music a eu la possibilité d’être entendue sur ce fait, qui aurait été considéré à tort comme notoire par l’EUIPO et par le Tribunal, et de présenter des éléments de preuve à cet égard.
51 L’EUIPO conteste cette argumentation.
Appréciation de la Cour
52 Selon une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges (arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C-25/05 P, EU:C:2006:422, point 61). En l’occurrence, il ressort du dossier afférent à la procédure suivie devant le Tribunal que Toontrack Music n’a pas invoqué la violation du droit d’être entendu à l’appui de son recours en annulation. Par conséquent, le troisième moyen doit être considéré comme nouveau et, en conséquence, être déclaré manifestement irrecevable.
53 Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.
Sur les dépens
54 Selon l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
55 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant conclu à la condamnation de Toontrack Music et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :
1) Le pourvoi est rejeté comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.
2) Toontrack Music AB est condamnée aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure : le suédois.