IP case law Court of Justice

Order of 28 Jun 2022, C-550/22 (Compass Tex v EUIPO)




DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (dixième chambre)

28 juin 2022 (*)

« Recours en annulation – Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale Trusted Handwork – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T-704/21,

Compass Tex Ltd, établie à Tsuen Wan, Hong Kong (Chine), représentée par Me M. Gail, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. T. Klee et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 31 août 2021 (affaire R 0034/2021-5), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Trusted Handwork comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de M. A. Kornezov (rapporteur), président, Mme K. Kowalik-Bańczyk et M. D. Petrlík, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Compass Tex Ltd, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 31 août 2021 (affaire R 0034/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 26 mai 2020, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Trusted Handwork.

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vêtements ; chaussures ; chapellerie ».

5        Par décision du 20 novembre 2020, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement.

6        Le 8 janvier 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinateur.

7        Par la décision attaquée, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au motif, en substance, que le consommateur moyen anglophone la percevrait comme un slogan dont la nature serait purement promotionnelle et élogieuse, et non pas comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

11      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure, et ce même si une partie a demandé la tenue d’une audience [voir, en ce sens, ordonnance du 21 décembre 2021, Kewazo/EUIPO (Liftbot), T-205/21, non publiée, EU:T:2021:953, point 10 et jurisprudence citée].

12      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement. Elle fait valoir, en substance, que la chambre de recours a conclu à tort que la marque demandée était dépourvue du caractère distinctif nécessaire pour être enregistrée en tant que marque de l’Union européenne.

13      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

15      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C-398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

16      Sont dépourvus de caractère distinctif, au sens de cette disposition, les signes qui sont incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle qui consiste à identifier l’origine du produit ou du service afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [voir arrêt du 19 janvier 2022, Estetica Group Iwona Michalak/EUIPO (PURE BEAUTY), T-270/21, non publié, EU:T:2022:12, point 22 et jurisprudence citée].

17      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C-456/01 P et C-457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

18      Par ailleurs, une marque comportant une indication de qualité ou une expression incitant à acheter les produits ou les services qu’elle désigne doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, et selon une jurisprudence constante, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication d’origine commerciale des produits et des services visés [voir ordonnance du 11 septembre 2018, Hermann Biederlack/EUIPO (Feeling home), T-715/17, non publiée, EU:T:2018:578, point 23 et jurisprudence citée].

19      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante.

20      En l’espèce, en premier lieu, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a estimé, aux points 15 et 16 de la décision attaquée, que les produits en cause s’adressaient aux consommateurs moyens normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés et qu’il y avait lieu de fonder l’appréciation de l’aptitude à l’enregistrement de cette marque en tant que marque de l’Union européenne sur le public anglophone, dans la mesure où la marque demandée était composée de termes ayant une signification pour cette partie du public. Cette appréciation n’est pas contestée par la requérante.

21      En second lieu, s’agissant de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a, aux points 18 à 24 de la décision attaquée, examiné la signification de celle-ci. Elle a relevé à cet égard, en se référant notamment à plusieurs dictionnaires en ligne, que le mot « trusted » signifiait « de confiance, éprouvé » et que le mot « handwork » signifiait « travail manuel, (le résultat du) travail manuel », ou encore « travail effectué à la main et non au moyen de machines ». Ainsi, au regard des produits en cause, à savoir les « vêtements, chaussures, chapellerie », relevant de la classe 25, le public pertinent anglophone comprendrait directement et aisément l’expression formée par la juxtaposition de ces deux mots, d’ailleurs grammaticalement correcte, dans le sens de « travail manuel de confiance ».

22      La chambre de recours a ensuite conclu sur cette base, aux points 25 à 38 de la décision attaquée, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour les produits en cause et se heurtait, dès lors, au motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, point b), du règlement 2017/2001. En effet, l’expression « trusted handwork » revêtirait, pour le public pertinent anglophone, le caractère d’un slogan publicitaire, vantant le processus de fabrication des produits en cause comme particulièrement soigneux, et transmettrait notamment une promesse générale de qualité des produits en cause comme fiables et durables. Par ailleurs, la chambre de recours a relevé que la suite des mots composant la marque demandée n’était pas inhabituelle au point de pouvoir rester dans la mémoire du public, mais se limitait à un message simple et clair sur les produits en cause dans le sens relevé ci-dessus. Enfin, elle a affirmé, en réponse à un argument de la requérante, qu’un slogan publicitaire ne devient pas distinctif du seul fait que, dans son contenu sémantique, il ne contient pas d’information relative à la nature des produits ou des services désignés.

23      À cet égard, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours n’aurait pas tenu compte du fait que la marque demandée ne possédait pas une seule signification. En effet, tout en rappelant qu’il convient de regarder le caractère distinctif d’une marque prise dans son ensemble, la requérante affirme que la signification de la marque demandée est sujette à diverses interprétations et qu’elle ne s’imposerait pas de façon immédiate et évidente dans l’esprit du public pertinent. En particulier, le terme « trust » ferait référence à une forme de regroupement d’entreprises, de sorte que la combinaison des termes « trusted » et « handwork » pouvait être interprétée comme évoquant une « réunion d’entreprises dans le secteur de l’artisanat ». Pour ces raisons, la marque demandée serait dotée, en substance, d’un minimum de caractère distinctif.

24      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

25      À cet égard, d’une part, force est de constater, à l’instar de la chambre de recours, que le public pertinent maîtrisant l’anglais comprendra sans effort cognitif l’expression « trusted handwork » comme signifiant « travail manuel de confiance ».

26      Les arguments de la requérante selon lesquels l’expression « trusted handwork » n’aurait aucune signification évidente pour le public pertinent, puisqu’elle aurait également d’autres significations que celle retenue par la chambre de recours, qu’elle serait sujette à interprétation ou encore qu’il s’agirait d’un néologisme, ne sauraient prospérer. Or, la marque demandée, consistant dans la juxtaposition de l’adjectif « trusted », signifiant « de confiance », et du substantif « handwork », désignant un travail manuel, véhicule un message simple, clair et non équivoque qui sera facilement compris, globalement en tant qu’expression, comme signifiant « travail manuel de confiance ». Ainsi, la chambre de recours a correctement apprécié tant les différents éléments constitutifs de la marque demandée que l’impression d’ensemble qu’elle produit [voir, en ce sens, ordonnance du 11 septembre 2019, ruwido austria/EUIPO (transparent pairing), T-649/18, non publiée, EU:T:2019:585, point 26 et jurisprudence citée].

27      Par ailleurs, s’agissant de la signification alternative de la marque demandée avancée par la requérante, fondée sur le mot « trust », il suffit de relever que le premier élément de celle-ci consiste en l’adjectif « trusted » et non en le substantif « trust ». L’utilisation de la terminaison « ed » donne clairement au terme « trusted » la valeur d’adjectif qualifiant le substantif « handwork » qui le suit. Ladite signification alternative ne se rapporte donc pas à la marque demandée, de sorte qu’elle est dénuée de toute pertinence pour la solution du présent litige.

28      D’autre part, force est de constater, à l’instar de la chambre de recours, que la marque demandée se traduira dans l’esprit d’une partie considérable du public pertinent exclusivement comme un message élogieux et évocateur des qualités des produits en cause, à savoir des vêtements, des chaussures et de la chapellerie, relevant de la classe 25. En effet, la marque demandée consiste en un appel à la confiance à l’égard des produits en cause, qui seraient, en outre, le résultat d’une production manuelle, souvent caractérisée par une certaine originalité et une attention particulière au détail, différenciant ces produits de ceux issus d’une production automatisée et industrielle. Force est de conclure que la marque demandée serait perçue de prime abord par le public pertinent comme une formule promotionnelle, en raison de son sens intrinsèque, plutôt que comme une marque (voir, en ce sens, ordonnance du 11 septembre 2018, Feeling home, T-715/17, non publiée, EU:T:2018:578, point 33 et jurisprudence citée).

29      Or, s’il est certes vrai que la connotation élogieuse d’une marque n’exclut pas que celle-ci soit néanmoins apte à garantir au public pertinent l’origine des produits ou des services qu’elle désigne, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, il résulte manifestement de l’examen de la marque demandée que celle-ci se réduit à un message publicitaire ordinaire et ne possède ni une certaine originalité, ni une certaine prégnance, qui aurait nécessité un minimum d’effort d’interprétation ou aurait déclenché un processus cognitif auprès du public concerné (voir, en ce sens, ordonnance du 11 septembre 2018, Feeling home, T-715/17, non publiée, EU:T:2018:578, point 34).

30      Les autres arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

31      Premièrement, quant à l’argument de la requérante selon lequel il serait impossible « de deviner » ce qu’est un « trusted handwork » étant donné que, au moment où le consommateur entend ce terme, il n’a aucune idée de quel type de produit il pourrait s’agir, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence rappelée au point 17 ci-dessus, le caractère distinctif de la marque demandée doit être apprécié notamment par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé.

32      Deuxièmement, la requérante suggère à plusieurs reprises que la marque demandée ne saurait être comprise comme une indication purement descriptive des produits en cause. Or, ces arguments sont inopérants au motif que, dans la présente affaire, le caractère descriptif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 n’est pas en cause.

33      Troisièmement, la requérante invoque à plusieurs reprises des décisions des instances nationales, dont notamment des décisions du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne). Toutefois, il suffit de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du 17 octobre 2018, Golden Balls/EUIPO – Les Éditions P. Amaury (GOLDEN BALLS), T-8/17, non publié, EU:T:2018:692, point 79].

34      Quatrièmement, la requérante fait référence à la décision de la quatrième chambre de recours du 24 septembre 2014, dans l’affaire R-2120/2013-4, en faisant valoir que « la situation se présente de manière analogue en l’espèce ». Or, cette allégation manque en clarté et ne comporte pas la précision nécessaire pour que le Tribunal puisse y répondre. Toutefois, et en tout état de cause, il convient de rappeler que la légalité des décisions que les chambres de recours sont conduites à prendre en vertu du règlement 2017/1001 doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure des chambres de recours (arrêts du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C-37/03 P, EU:C:2005:547, point 47, et du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C-412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

35      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours a conclu, sans commettre d’erreur d’appréciation, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque.

36      Partant, pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de rejeter le moyen unique tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit et, par suite, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

37      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

38      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Compass Tex Ltd est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 28 juin 2022.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A. Kornezov

*      Langue de procédure : l’allemand.



Disclaimer