IP case law Court of Justice

Order of 11 Sep 2025, C-152/25 (Hecht Pharma v EUIPO)



ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

11 septembre 2025 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C-152/25 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 20 février 2025,

Hecht Pharma GmbH, établie à Bremervörde (Allemagne), représentée par Mes C. Sachs et J. Sachs, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Gufic BioSciences Ltd., établie à Mumbai (Inde),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de M. T. von Danwitz, vice-président de la Cour, MM. N. Jääskinen et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocate générale, Mme T. Ćapeta, entendue,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Hecht Pharma GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 18 décembre 2024, Hecht Pharma/EUIPO – Gufic BioSciences (H 15 Gufic) (T-520/23, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2024:906), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation et à la réformation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 13 juin 2023 (affaire R 902/2021-2), relative à une procédure de déchéance entre Hecht Pharma et Gufic BioSciences Ltd.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que son pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        À cet égard, elle avance, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation, par le Tribunal, de l’article 18, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), le deuxième, du rejet, par cette juridiction, d’éléments de preuve supplémentaires présentés par la requérante, et, le troisième, de la violation, par ladite juridiction, du droit à un procès équitable.

8        Concernant le premier moyen, la requérante fait valoir que, aux points 62 et 74 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a méconnu l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, lu à la lumière du considérant 28 de ce règlement, en vertu duquel les termes utilisés pour désigner la catégorie des produits pour lesquels une marque est enregistrée doivent être interprétés dans leur sens littéral. Or, aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque dont l’enregistrement a été demandé par la partie intervenante pour des produits pouvant être prétendument qualifiés de « médicaments », relevant de la classe 5 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’« arrangement de Nice »), le Tribunal, au lieu d’examiner le sens littéral de la notion de « médicaments », se serait uniquement fondé sur la perception, par les seuls consommateurs finaux, de la présentation desdits produits et, en particulier, des termes « ayurvedic medicine » figurant sur leur emballage.

9        Ainsi, d’une part, en violation de la jurisprudence de la Cour issue notamment de l’arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland (C-363/99, EU:C:2004:86, point 56), le Tribunal n’aurait pas pris en compte les connaissances des spécialistes en la matière, notamment, en ce qui concerne la signification de la notion de « médicaments », au sens de la classe 5 de l’arrangement de Nice.

10      D’autre part, dès lors que, selon la requérante, les produits concernés sont des produits ayurvédiques qui n’ont pas d’effets thérapeutiques, et ne peuvent, en conséquence, être qualifiés de « médicaments », au sens de la classe 5 de l’arrangement de Nice, ces produits, qui, sur la base de leur seul emballage sont présentés comme des médicaments, ne sauraient être utilisés pour démontrer l’usage sérieux de la marque en cause. Ainsi, conformément au considérant 28 du règlement 2017/1001, le Tribunal aurait dû constater que de tels produits ne peuvent servir de fondement pour établir un usage propre de cette marque. Ainsi, les considérations du Tribunal relatives aux « médicaments par présentation » auraient pour effet de rompre la cohérence entre le règlement 2017/1001 et la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67).

11      En outre, la requérante fait valoir que la classe 5 de l’arrangement de Nice perdrait en précision si elle devait comprendre également des denrées alimentaires devant être désignées comme étant des dispositifs médicaux, au sens de l’article 4 du règlement délégué (UE) 2016/128 de la Commission, du 25 septembre 2015, complétant le règlement (UE) no 609/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences spécifiques en matière de composition et d’information applicables aux denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (JO 2016, L 25, p. 30), lu en combinaison avec son annexe IV.

12      Dans ces conditions, la requérante avance, en substance, que, aux fins de la solution du litige, il appartient à la Cour, d’une part, de clarifier la question de savoir si un produit n’ayant pas d’effets thérapeutiques et dont les indications figurant sur son emballage donnent l’apparence qu’il est un médicament peut être considéré comme étant un « médicament », au sens de la classe 5 de l’arrangement de Nice, et, d’autre part, de garantir une cohérence entre le règlement 2017/1001 et la directive 2001/83.

13      S’agissant du deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir rejeté des éléments de preuve supplémentaires concernant, par exemple, la législation indienne. Ce refus porterait, selon la requérante, gravement atteinte aux intérêts visés à l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

14      En ce qui concerne le troisième moyen, la requérante invoque une méconnaissance, par le Tribunal, du droit à un procès équitable, dans la mesure où, au point 74 de l’arrêt attaqué, il n’aurait pas examiné les termes « ayurvedic medicine » dans leur globalité et aurait seulement tenu compte de la perception de ces termes par les consommateurs, et non des documents et des éléments de preuve fournis quant à la perception des produits en cause par l’ensemble du public.

 Appréciation de la Cour

15      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C-93/23 P, EU:C:2023:601, point 18 ainsi que jurisprudence citée).

16      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C-93/23 P, EU:C:2023:601, point 19 et jurisprudence citée).

17      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la partie requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C-93/23 P, EU:C:2023:601, point 20 et jurisprudence citée).

18      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 9 janvier 2024, Yayla Türk/EUIPO, C-611/23 P, EU:C:2024:3, point 13 ainsi que jurisprudence citée).

19      En l’espèce, s’agissant de l’argumentation résumée aux points 8 à 14 de la présente ordonnance, il y a lieu de constater que les simples allégations de la requérante relatives, tout d’abord, à l’importance des questions soulevées pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, ensuite, à la nécessité de préciser si un produit prétendument dépourvu d’effets thérapeutiques, dont l’emballage lui confère l’apparence d’un médicament, peut relever de la notion de « médicaments », au sens de la classe 5 de l’arrangement de Nice et, enfin, à la nécessité d’assurer une cohérence entre le règlement 2017/1001 et la directive 2001/83, sont manifestement trop générales pour constituer une telle démonstration. En effet, il ressort de la demande d’admission du pourvoi que les arguments de la requérante portent davantage sur la résolution du litige en cause lui-même que sur la démonstration que le pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      En ce qui concerne, en particulier, l’argumentation résumée aux points 8 à 12 de la présente ordonnance, concernant la perception par le public pertinent des termes « ayurvedic medicine » et la présentation du produit concerné, il convient de rappeler, d’une part, que, dans la mesure où la requérante vise à remettre en cause l’appréciation factuelle effectuée par le Tribunal, une telle argumentation ne saurait démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 13 juillet 2023, Hecht Pharma/EUIPO, C-142/23 P, EU:C:2023:600, point 18).

21      D’autre part, dans la mesure où, par cette argumentation, la requérante reproche également au Tribunal d’avoir méconnu la jurisprudence de la Cour, il y a lieu de rappeler qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 17 de la présente ordonnance. Or, force est de constater que, si la requérante précise les points de l’arrêt attaqué contestés et ceux des décisions de la Cour qui auraient été méconnus, elle ne fournit pas suffisamment d’indications sur la similitude des situations visées dans ces décisions, permettant d’établir la réalité des contradictions alléguées (voir, par analogie, ordonnance du 13 juillet 2023, Hecht Pharma/EUIPO, C-142/23 P, EU:C:2023:600, point 19).

22      Quant à l’argumentation résumée au point 13 de la présente ordonnance par laquelle la requérante conteste le rejet, par le Tribunal, d’éléments de preuve supplémentaires concernant, notamment, la législation indienne, il suffit de relever que, par cette argumentation, la requérante n’explique pas à suffisance ni, en tout état de cause, ne démontre en quoi un tel rejet, à le supposer établi, soulèverait des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant l’admission du pourvoi, ce qui ne répond pas aux exigences énoncées au point 17 de la présente ordonnance.

23      Enfin, s’agissant de l’argumentation résumée au point 14 de la présente ordonnance, par laquelle la requérante invoque une méconnaissance du droit à un procès équitable, il importe de relever que, sans préjudice de la place importante qu’occupe, au sein de l’ordre juridique de l’Union, le droit à un procès équitable, cette argumentation ne répond pas non plus aux exigences énoncées au point 17 de la présente ordonnance (voir, par analogie, ordonnance du 2 février 2024, Apart/EUIPO, C-598/23 P, EU:C:2024:110, point 18). En effet, si la requérante identifie l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, elle n’explique pas à suffisance ni, en tout état de cause, ne démontre en quoi une telle erreur de droit, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi.

24      Dans ces conditions, la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

25      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

26      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

27      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Hecht Pharma GmbH supporte ses propres dépens

Signatures

*      Langue de procédure : l’allemand.



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