IP case law Court of Justice

Order of 21 May 2025, C-18/25 (Aeneas v EUIPO and Aesculap)



ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

21 mai 2025 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C-18/25 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 janvier 2025,

Aeneas GmbH & Co. KG, établie à Wendelsheim (Allemagne), représentée par Mes I. Jung et L. Ludwig, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Aesculap AG, établie à Tuttlingen (Allemagne),

partie demanderesse en première instance,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de M. T. von Danwitz, vice-président de la Cour, MM. N. Jääskinen et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. D. Spielmann, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Aeneas GmbH & Co. KG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 novembre 2024, Aesculap/EUIPO – Aeneas (AESKUCARE Food Intolerance, AESKUCARE Et AESKUCARE Allergy) (T-64/23 à T-66/23, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2024:827), par lequel celui-ci a partiellement annulé les décisions de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 novembre 2022 (affaire R 18/2022-2), du 23 novembre 2022 (affaire R 20/2022-2) et du 29 novembre 2022 (affaire R 21/2022-2) (ci-après les « décisions litigieuses »), relatives à des procédures d’opposition entre Aesculap AG et Aeneas.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, de ce règlement, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que les trois moyens de son pourvoi soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        Par son premier moyen, la requérante soutient, en substance, que, au point 136 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément considéré que la deuxième chambre de recours de l’EUIPO avait manqué à l’obligation de motivation prévue à l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), au motif que, dans les décisions litigieuses, elle n’avait pas exposé les raisons pour lesquelles elle s’était écartée de la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 8 octobre 2013 (R 1775/2012-1). À cet égard, la requérante allègue que le Tribunal a considéré à tort, sur le fondement de l’arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma (C-564/16 P, EU:C:2018:509), que la deuxième chambre de recours de l’EUIPO était tenue de motiver la différence entre son appréciation de la renommée des marques antérieures dans les décisions litigieuses et celle retenue dans ladite décision du 8 octobre 2013. En effet, selon la requérante, cette décision n’était pas suffisamment récente pour pouvoir être considérée comme étant pertinente. En outre, le constat du Tribunal figurant au point 136 de l’arrêt attaqué résulterait, en substance, d’une lecture erronée des décisions litigieuses.

8        Par ailleurs, aux points 164 à 167 et 171 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait jugé à tort que la motivation de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO concernant la différence entre les produits et les services concernés était contradictoire et incompréhensible. Ce faisant, le Tribunal aurait substitué ses propres appréciations à celles de cette chambre de recours et, ainsi, outrepassé sa compétence juridictionnelle. Partant, la requérante considère qu’une clarification de la Cour quant à la portée de l’obligation de motivation incombant à la chambre de recours de l’EUIPO serait nécessaire pour en garantir une interprétation et une application uniformes et cohérentes.

9        Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a, aux points 131, 137 et 150 de l’arrêt attaqué, dénaturé les faits, dans la mesure où il aurait fondé son appréciation sur des faits non avancés ou inexacts, violant ainsi le principe du respect des droits de la défense, le droit à un procès équitable, conformément à l’article 47, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE. Ainsi, la requérante estime que, afin de garantir l’application uniforme et cohérente du droit de l’Union ainsi que d’éviter de telles erreurs dans de futures procédures, il est nécessaire que la Cour apporte davantage de précisions sur la manière dont les juridictions doivent procéder lorsque des faits ont été dénaturés, erronément interprétés ou insuffisamment vérifiés.

10      Par son troisième moyen, la requérante soutient que, en n’ayant pas pris en considération l’arrêt de l’Oberlandesgericht Karlsruhe (tribunal régional supérieur de Karlsruhe, Allemagne) du 28 juin 2024, produit après la clôture de la procédure orale, lequel confirmerait la différence entre les produits concernés et la renommée seulement moyenne de la marque AESCULAP, le Tribunal a violé l’obligation de motivation lui incombant, le principe du respect des droits de la défense figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, ainsi que l’exigence découlant de l’arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI (C-238/06 P, EU:C:2007:635), selon laquelle les décisions nationales doivent être prises en compte même si elles ne sont pas contraignantes. À cet égard, la requérante considère qu’une clarification de la Cour sur la manière dont les juridictions de l’Union doivent traiter les décisions nationales produites après la clôture de la procédure orale est nécessaire, dans la mesure où l’omission du Tribunal de prendre en compte des décisions nationales en violation des articles 85 et 113 du règlement de procédure du Tribunal n’est pas une question liée à un domaine spécifique du droit de l’Union et peut, par conséquent, concerner tout type de contentieux porté devant le Tribunal. Ainsi, un tel moyen soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

 Appréciation de la Cour

11      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 6 mars 2025, Dekoback/EUIPO, C-775/24 P, EU:C:2025:169, point 11 ainsi que jurisprudence citée).

12      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 6 mars 2025, Dekoback/EUIPO, C-775/24 P, EU:C:2025:169, point 12 ainsi que jurisprudence citée).

13      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 6 mars 2025, Dekoback/EUIPO, C-775/24 P, EU:C:2025:169, point 13 ainsi que jurisprudence citée).

14      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 6 mars 2025, Dekoback/EUIPO, C-775/24 P, EU:C:2025:169 point 14 et jurisprudence citée).

15      En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation résumée aux points 7 et 8 de la présente ordonnance, il convient de constater que, si la requérante identifie des erreurs prétendument commises par le Tribunal en ce qui concerne l’obligation de motivation, la requérante se contente de faire valoir qu’une interprétation et une application uniformes et cohérentes seraient nécessaires, sans exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ces erreurs, à les supposer établies, soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

16      En ce qui concerne, en outre, l’argumentation de la requérante tirée d’une éventuelle lecture erronée des décisions litigieuses par le Tribunal, il suffit de relever qu’une telle argumentation revient à remettre en cause l’appréciation factuelle opérée par le Tribunal et ne saurait démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 4 octobre 2024, Converso/Verla-Pharm Arzneimittel et EUIPO, C-444/24 P, EU:C:2024:873, point 12).

17      S’agissant, en deuxième lieu, de l’argumentation résumée au point 9 de la présente ordonnance, tirée, en substance, d’une dénaturation des faits sur le fondement desquels le Tribunal aurait fondé son appréciation, ce qui aurait entraîné une violation des droits de la défense de la requérante et de son droit à un procès équitable, ainsi que de l’obligation de motivation incombant au Tribunal, il suffit de relever qu’une telle argumentation reposant principalement sur une prétendue dénaturation des faits, elle ne saurait, en principe, être susceptible, en tant que telle et même à la supposer fondée, de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 7 juin 2022, Magic Box Int. Toys/EUIPO, C-194/22 P, EU:C:2022:463, point 19 et jurisprudence citée).

18      En troisième et dernier lieu, s’agissant de l’argumentation de la requérante, résumée au point 10 de la présente ordonnance et tirée, en substance, de la méconnaissance d’un arrêt de l’Oberlandesgericht Karlsruhe (tribunal régional supérieur de Karlsruhe) par lequel cette juridiction aurait confirmé une dissemblance entre les produits concernés et la notoriété moyenne de la marque AESCULAP, il suffit de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Par conséquent, le fait qu’une juridiction nationale soit arrivée, en appliquant une disposition de droit national, à une conclusion différente de celle à laquelle est arrivé le Tribunal en appliquant une disposition du droit de l’Union ne révèle nullement, en soi, l’existence d’une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union (ordonnance du 9 novembre 2023, Consulta/EUIPO, C-443/23 P, EU:C:2023:859, point 17).

19      Dans ces conditions, la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

22      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Aeneas GmbH & Co. KG supporte ses propres dépens.

Signatures

*      Langue de procédure : l’allemand.



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