ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
1er septembre 2021 (*)
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »
Dans l’affaire C-236/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 12 avril 2021,
sprd.net AG, établie à Leipzig (Allemagne), représentée par Me J. Hellenbrand, Rechtsanwalt,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
Shirtlabor GmbH, établie à Münster (Allemagne),
partie intervenante en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente de la Cour, MM. N Piçarra et D. Šváby (rapporteur), juges,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général M. G. Hogan, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, sprd.net AG demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne, du 12 février 2021, sprd.net/EUIPO – Shirtlabor (I love) (T-19/20, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:89), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 18 octobre 2019 (affaire R 5/2019-5), relative à une procédure de nullité entre Shirtlabor et sprd.net.
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.
6 À l’appui de sa demande d’admission, la partie requérante fait valoir que le moyen unique de son pourvoi, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1, ci-après le « règlement 2017/1001 »), soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
7 Par sa première série d’arguments, la partie requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en concluant que la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif. En effet, en considérant que le signe en cause est non prégnant et non original malgré le fait qu’au moment de la demande d’enregistrement de la marque, il a fait l’objet d’un usage par différents opérateurs auprès du public ciblé, le Tribunal aurait appliqué des critères différents de ceux établis dans la jurisprudence. Le Tribunal aurait également méconnu la notion de « caractère distinctif », telle que définie par la jurisprudence issue, d’une part, de l’arrêt du 11 juin 2020, China Construction Bank/EUIPO (C-115/19 P, EU:C:2020:469, point 56) et, d’autre part, de l’arrêt du 13 septembre 2018, Birkenstock Sales/EUIPO (C-26/17 P, EU:C:2018:714, point 31).
8 En outre, la partie requérante souligne que la conclusion du Tribunal, au point 68 de l’ordonnance attaquée aurait enfreint le considérant 4 du règlement 2017/1001 ainsi que la pratique établie par la grande chambre de l’EUIPO, selon laquelle la question du caractère distinctif des marques ne doit pas, dans les procédures d’opposition, être examinée différemment de la manière dont elle est examinée dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. À cet égard, elle estime que si le Tribunal était libre de fixer la nature et les modalités de l’appréciation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, l’exigence de cohérence dans l’application de celui-ci ne pourrait pas être assurée.
9 Par conséquent, selon la partie requérante, la question de savoir si le caractère distinctif d’une marque ou de ses différents éléments doit, dans le cadre de l’examen de la similitude de signes en conflits, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, être apprécié à l’aune de critères différents de ceux utilisés dans le cadre de l’examen du motif absolu de refus au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
10 Par sa seconde série d’arguments, la partie requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en n’ayant pas énoncé les raisons qui le conduisent à conclure que la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif. Ce faisant, le Tribunal aurait également contredit les points 27 et 30 de l’ordonnance attaquée, selon lesquels un minimum de caractère distinctif suffit pour qu’une marque puisse être enregistrée et il n’y a pas lieu d’appliquer aux marques composées de signes ou d’indications qui sont utilisés en tant que slogans publicitaires des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes.
11 En outre, la partie requérante allègue que, en concluant que le logo constitutif de la marque contestée n’est ni prégnant ni original compte tenu de son usage répandu par différents opérateurs, le Tribunal a violé la jurisprudence issue des arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C-398/08 P, EU:C:2010:29, points 36 à 42, 46 et 48) et du 7 novembre 2019, Local-e-motion/EUIPO – Volkswagen (WE) (T-568/18, non publié, EU:T:2019:783, points 57 à 64). Par ailleurs, elle souligne que le Tribunal aurait enfreint les directives adoptées par l’EUIPO relatives aux marques et aux dessins ou modèles, en appliquant de manière arbitraire d’autres critères d’appréciation du caractère distinctif, ce qui aurait conduit à une insécurité juridique pour les demandeurs ou les titulaires de marques de l’Union.
12 Par conséquent, la partie requérante estime que la question de savoir s’il convient de considérer qu’un signe est systématiquement dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lorsque, au moment de la demande d’enregistrement de la marque, il a fait l’objet d’un usage, par différents opérateurs et sous la forme de nombreuses combinaisons, largement répandu auprès du public ciblé dans l’ensemble de l’Union, est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
13 À titre complémentaire, la partie requérante considère également comme importante la question de savoir s’il est pertinent de prendre en compte les produits concernés par la demande d’enregistrement de la marque ou bien d’autres produits ayant fait l’objet d’un usage répandu. À cet égard, elle relève que le Tribunal a, aux points 53 et 63 de l’ordonnance attaquée, répondu, à tort, par l’affirmative à ces deux questions.
14 Afin d’examiner la demande d’admission du pourvoi présentée par la partie requérante, il convient de relever, à titre liminaire, que c’est à celle-ci qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 26 novembre 2020, Scorify/EUIPO, C-418/20 P, non publiée, EU:C:2020:968, point 17 et jurisprudence citée).
15 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 26 novembre 2020, Scorify/EUIPO, C-418/20 P, non publiée, EU:C:2020:968, point 18 et jurisprudence citée).
16 Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).
17 En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).
18 En l’occurrence, s’agissant des arguments résumés aux points 9, 12 et 13 de la présente ordonnance, il y a lieu de constater que la partie requérante n’expose pas, avec suffisamment de précision et de clarté, en quoi exactement les constatations du Tribunal relatives à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée soulèveraient les questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, elle identifie les erreurs prétendument commises par le Tribunal qui soulèveraient les questions de droit, sans toutefois expliquer, à suffisance de droit, l’importance desdites pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi.
19 D’ailleurs, dans la mesure où la partie requérante cherche à prouver l’importance de ces questions par les arguments tirés d’une violation de la pratique décisionnelle de l’EUIPO et de ses directives, il importe de relever, à l’instar du Tribunal, au point 92 de l’ordonnance attaquée, que la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO doit être appréciée uniquement sur la base du règlement n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), ou du règlement 2017/1001, tels qu’interprétés par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure des instances de l’EUIPO (voir, en ce sens, ordonnance du 11 février 2021, Klose/EUIPO, C-600/20 P, non publiée, EU:C:2021:110, point 21). En outre, il y a lieu de souligner que les directives de l’EUIPO ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C-223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 49).
20 S’agissant de l’argumentation selon laquelle le Tribunal aurait, par l’ordonnance attaquée, violé la jurisprudence de la Cour évoquée aux points 7 et 11 de la présente ordonnance, il convient de relever qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 16 de la présente ordonnance. Or, en l’occurrence, si la requérante identifie les points des arrêts de la Cour et du Tribunal qui auraient été méconnus ainsi que ceux de l’ordonnance attaquée qu’elle remet en cause, elle ne fournit aucune indication sur la similitude des situations visées dans ces arrêts permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée (ordonnance du 28 janvier 2021, Kaminski/EUIPO, C-626/20 P, non publiée, EU:C:2021:83, point 15 et jurisprudence citée). En effet, elle se borne à reprocher au Tribunal d’avoir commis certaines erreurs en concluant à l’absence de caractère distinctif de la marque contestée, sans pour autant expliquer, avec précision et clarté, en quoi exactement la jurisprudence citée aurait été méconnue.
21 En ce qui concerne l’argument tiré d’une violation du considérant 4 du règlement 2017/1001 ainsi que l’argument relatif à une contradiction dans les constatations du Tribunal, il convient de relever que les explications fournies par la partie requérante à cet égard ne sont pas suffisamment claires et précises pour permettre à la Cour de comprendre en quoi consistent les erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal.
22 Enfin, concernant l’argumentation par laquelle la partie requérante vise, en substance, à reprocher au Tribunal d’avoir manqué à son obligation de motivation, en ce qu’il n’a pas énoncé les raisons qui l’avaient conduit à conclure que la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue une erreur de droit qui peut être invoquée dans le cadre d’un pourvoi, l’admission d’un pourvoi demeure toutefois subordonnée au respect des conditions spécifiques consistant, pour le requérant au pourvoi, à démontrer, au sens indiqué au point 16 de la présente ordonnance, que ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens ordonnance du 3 décembre 2020, Dermavita/EUIPO, C-400/20 P, non publiée, EU:C:2020:997, point 19 et jurisprudence citée). Or, la partie requérante n’explique aucunement les raisons pour lesquelles le défaut de motivation de l’ordonnance attaquée qu’elle allègue soulève une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union.
23 Dans ces conditions, il convient de conclure que la demande présentée par la partie requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
24 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.
Sur les dépens
25 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
26 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) sprd.net AG supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.