ORDONNANCE DE LA COUR
13 juin 2023 (*)
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »
Dans l’affaire C-38/23 P
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 25 janvier 2023,
Grupa "LEW" S.A., établie à Częstochowa (Pologne), représentée par Me A. Korbela, radca prawny, et M. M. Besler, rzecznik patentowy,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
Lechwerke AG, établie à Augsburg (Allemagne),
partie intervenante en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
composée de M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, MM. D. Gratsias et M. Ilešič (rapporteur), juges,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocate générale, Mme T. Ćapeta, entendue,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Grupa « LEW » S.A. demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 8 novembre 2022, Grupa « LEW »/EUIPO – Lechwerke (GRUPALEW.), (T-672/21, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2022:705), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 17 août 2021 (affaire R 2763/2019-4), relative à une procédure d’opposition entre Lechwerke AG et Grupa « LEW » (ci-après la « décision litigieuse »).
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.
Argumentation de la partie requérante
6 À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.
7 Par les deux branches du moyen unique du pourvoi, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une violation du droit de l’Union et une irrégularité de procédure portant atteinte à ses intérêts. En effet, le Tribunal aurait opéré une dénaturation des faits et des éléments de preuve, entraînant des conséquences de droit, et aurait violé l’article 71, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1) ainsi que de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal.
8 Plus particulièrement, par la première branche de ce moyen, la requérante soutient que la constatation selon laquelle, d’une part, il n’y a pas lieu d’examiner les questions portant sur l’usage de la marque nationale antérieure, à savoir la marque verbale allemande « LEW » no 302011039751, fondant l’opposition et, d’autre part, cette marque doit être considérée comme validement enregistrée, est manifestement en contradiction avec les faits et la teneur des éléments de preuve produits, démontrant qu’une procédure nationale en déchéance concernant cette marque serait pendante. Dès lors, l’EUIPO aurait dû suspendre la procédure en vertu de l’article 71, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2018/625.
9 Ainsi, selon la requérante, la décision litigieuse de la chambre de recours de l’EUIPO et l’ordonnance attaquée auraient été rendues prématurément. La marque nationale antérieure ne pourrait constituer une base fiable pour une procédure d’opposition, étant donné qu’une déchéance avec effet ex tunc de cette marque est susceptible d’intervenir. En effet, le Deutsches Patent und Markenamt (ci-après le « DPMA ») serait susceptible de juger que cette marque n’existait pas à la date de la demande d’enregistrement international désignant l’Union européenne, en cause en l’espèce.
10 Toutefois, la chambre de recours de l’EUIPO aurait pris la décision litigieuse sans attendre l’issue de la procédure pendante devant le DPMA, en accueillant l’opposition et en partant du postulat que la marque nationale antérieure serait encore valable. Le Tribunal aurait approuvé ces constatations de l’EUIPO.
11 Par la seconde branche dudit moyen, la requérante soutient, en substance, que le Tribunal, en statuant par voie d’ordonnance, n’a pas précisé quelle était le fondement pour procéder à l’application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal. En effet, le fondement pour appliquer cette disposition ne serait susceptible d’exister que dans trois cas de figure. Or, au point 25 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal ne préciserait pas lequel de ces cas a été retenu en l’espèce.
12 La requérante fait valoir que le moyen unique qu’elle invoque au soutien de son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union portant sur la relation entre la procédure d’opposition devant l’EUIPO et la procédure concernant la validité de la marque nationale antérieure fondant l’opposition devant l’autorité nationale compétente.
Appréciation de la Cour
13 À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20 et jurisprudence citée).
14 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure de la Cour, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 16 novembre 2022, EUIPO/Nowhere, C-337/22 P, EU:C:2022:908, point 24).
15 Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22 et jurisprudence citée).
16 En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).
17 S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation résumée aux points 8 à 10 de la présente ordonnance, il convient de constater que si la requérante expose les erreurs du droit prétendument commises par le Tribunal lorsqu’il a approuvé les conclusions de la décision litigieuse concernant le rejet de la demande de suspension, elle n’identifie aucun point de l’ordonnance attaquée qu’elle entend remettre en cause, privant, en l’occurrence, la première branche du moyen unique de son contexte propre et la rendant, dès lors, insuffisamment précise.
18 En outre, il peut être relevé que, si la requérante fait valoir que le Tribunal, se fondant sur une dénaturation des faits et des éléments de preuve, a considéré à tort qu’une procédure nationale en déchéance de la marque verbale allemande « LEW » n’était pas en cours et que, partant, il n’y avait pas lieu de suspendre la procédure d’opposition au sens de l’article 71, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2018/625, elle ne conteste pas les autres motifs, figurant aux points 40 et 41 de l’ordonnance attaquée, sur lesquels le Tribunal s’est fondé pour écarter le deuxième moyen du recours par lequel la requérante contestait le rejet de sa demande de suspension de la procédure d’opposition. Or, dans ces conditions, il n’apparaît pas que le résultat de l’ordonnance attaquée pourrait être influencé par l’erreur de droit invoquée.
19 Il s’ensuit que, en l’espèce, la requérante n’a pas respecté l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance.
20 En second lieu, en ce qui concerne l’argumentation visée au point 11 de la présente ordonnance, par laquelle il est reproché au Tribunal d’avoir omis, dans l’ordonnance attaquée, de préciser les raisons de l’application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, il importe de souligner que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, un tel argument n’est pas, en soi, suffisant pour établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance.
21 Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
22 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.
Sur les dépens
23 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
24 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) Grupa « LEW » S.A. supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.