IP case law Court of Justice

Order of 8 Dec 2020, C-455/18 (Spieker v EUIPO), ECLI:EU:C:2020:1005.



ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

8 décembre 2020 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Représentation des parties dans les recours directs devant les juridictions de l’Union européenne – Article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Avocat – Qualité de tiers par rapport à la partie requérante »

Dans l’affaire C-455/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 12 juillet 2018,

Oliver Spieker, demeurant à Berlin (Allemagne), représenté par Mes A. Schönfleisch, O. Spieker, M. Alber et N. Willich, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Wahl, président de chambre, M. F. Biltgen (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Oliver Spieker demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 8 mai 2018, Spieker/EUIPO (Science for a better skin) (T-92/18, non publiée, ci-après l’ « ordonnance attaquée », EU:T:2018:289), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant manifestement irrecevable son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 décembre 2017 (affaire R 1067/2017-4) concernant une demande d’enregistrement du signe verbal « Science for a better skin » comme marque de l’Union européenne.

 Sur le pourvoi

2        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

3        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

4        M. l’avocat général a, le 16 octobre 2020, pris la position suivante :

« 1.      Pour les raisons qui seront exposées ci-après, je propose à la Cour, conformément à l’article 181 de son règlement de procédure, de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé. Dans ces conditions, le requérant devra supporter ses propres dépens, conformément à l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement.

2.      Dans l’ordonnance attaqué, le Tribunal a rejeté le recours formé par M. Spieker comme étant manifestement irrecevable. À cet égard, il a observé que le requérant avait la qualité d’avocat et qu’il avait signé la requête en cette qualité, démontrant ainsi son choix d’assurer lui-même sa représentation. Selon le Tribunal, le requérant ne peut pas être considéré comme un “tiers”. La requête introductive d’instance n’ayant été signée que par le requérant lui-même, le recours n’a pas été introduit conformément à l’article 19, troisième et quatrième alinéas, et à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 73, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

3.      À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève deux moyens.

4.      Le premier moyen est tiré d’une interprétation erronée par le Tribunal de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, dans la mesure où il a considéré que le requérant n’avait pas la qualité de tiers ayant le pouvoir d’introduire le recours devant lui.

5.      Rappelant le déroulement de la procédure devant l’EUIPO, le requérant souligne qu’il a toujours été un tiers indépendant, qui représentait simplement les intérêts légitimes de sa cliente à qui il a fourni l’assistance juridique nécessaire. En outre, le requérant met en exergue qu’il a signé l’original de la requête déposée au greffe du Tribunal en raison de la seule absence de l’avocat qui devait représenter l’entreprise mandataire. Enfin, le requérant avance que le Tribunal prévoit la possibilité d’échanger les actes de procédure au moyen de l’application “e-Curia”, dans le cadre de laquelle une signature ne s’impose pas. Cela signifierait que, aux fins de l’appréciation de la recevabilité d’un recours, la signature figurant sur un acte de procédure ne devrait pas être retenue comme critère décisif.

6.      Il y a lieu de rappeler, comme l’a fait à juste titre le Tribunal, au point 8 de l’ordonnance attaquée, qu’il ressort de l’expression selon laquelle “les autres parties doivent être représentées par un avocat”, figurant à l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, que, aux fins de l’introduction d’un recours devant le Tribunal, une “partie”, au sens de cet article, doit recourir aux services d’un tiers qui doit être habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3) (voir, en ce sens, ordonnances du 21 novembre 2007, Correia de Matos/Parlement, C-502/06 P, non publiée, EU:C:2007:696, point 11, et du 29 septembre 2010, EREF/Commission, C-74/10 P et C-75/10 P, non publiée, EU:C:2010:557, point 54).

7.      Cette expression exclut qu’une partie et son défenseur puissent être une seule et même personne (ordonnances du 6 juin 2013, Faet Oltra/Médiateur, C-535/12 P, non publiée, EU:C:2013:373, points 20 et 21, ainsi que du 3 septembre 2015, Lambauer/Conseil, C-52/15 P, non publiée, EU:C:2015:549, points 19 et 20). En d’autres termes, un recours introduit sous la seule signature de la partie requérante est irrecevable (ordonnances du 6 octobre 2011, Campailla/Commission, C-265/11 P, non publiée, EU:C:2011:644, point 13 et jurisprudence citée, ainsi que du 10 octobre 2017, Mladenova/Parlement, C-405/17 P, non publiée, EU:C:2017:747, point 15). Cela vaut même si la partie requérante est un avocat habilité à plaider devant une juridiction nationale (ordonnances du 5 décembre 1996, Lopes/Cour de justice, C-174/96 P, EU:C:1996:473, point 10, ainsi que du 10 octobre 2017, Mladenova/Parlement, C-405/17 P, non publiée, EU:C:2017:747, points 13 et 14).

8.      En l’espèce, il suffit de relever que le requérant ne remet pas en cause les constatations opérées par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée, à savoir que le recours en annulation a été introduit en son nom et sous sa seule signature, avec mention de sa qualité d’avocat sous celle-ci, étant observé que ce recours faisait suite au rejet de la demande d’enregistrement du signe verbal “Science for a better skin” également introduite devant l’EUIPO au nom du requérant.

9.      Cette situation contrevient manifestement à l’obligation de représentation imposée aux parties, telle qu’interprétée par la Cour, et l’ensemble de l’argumentation du requérant est dépourvue de pertinence au regard des constatations objectives effectuées par le Tribunal et des conséquences qui s’y attachent.

10.      Le Tribunal a également mentionné, à juste titre, que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou le règlement de procédure du Tribunal ne prévoyaient aucune dérogation ou exception à l’obligation de recourir aux services d’un tiers qui doit être habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (ordonnance du 6 avril 2017, PITEE/Commission, C-464/16 P, non publiée, EU:C:2017:291, point 24).

11.      Il importe encore de souligner que le requérant ne saurait utilement invoquer les modalités de dépôt d’un acte de procédure au moyen de l’application “e-Curia”, telles que prévues par le règlement de procédure du Tribunal dans sa version applicable à l’époque des faits, pour remédier au vice entachant la requête introductive d’instance transmise par télécopieur, alors même qu’il avait connaissance d’une possibilité de transmission par voie électronique.

12.      Le second moyen est tiré d’une violation par le Tribunal de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), sur le fondement duquel a été demandé l’enregistrement du signe verbal en cause.

13.      À cet égard, il importe, en tout état de cause, de relever que, dès lors que, par son ordonnance, le Tribunal s’est borné à examiner la recevabilité du recours, jugeant, par ailleurs à bon droit, qu’il était manifestement irrecevable, le moyen de fond invoqué dans le cadre du pourvoi ne peut pas prospérer et, partant, doit être écarté comme étant manifestement irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2015, Andechser Molkerei Scheitz/Commission, C-682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, point 64).

14.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé. »

5        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

6        En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que M. Spieker supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      M. Oliver Spieker supporte ses propres dépens.

Signatures

*      Langue de procédure : l’allemand.



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