ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
10 décembre 2021 (*)
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »
Dans l’affaire C-476/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1er août 2021,
Rezon OOD, établie à Sofia (Bulgarie), représentée par Me M. Yordanova-Harizanova, адвокат,
partie requérante,
L’autre partie à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
composée de M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, MM. T. von Danwitz (rapporteur) et A. Kumin, juges,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Rezon OOD demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 juin 2021, Rezon/EUIPO (imot.bg) (T-487/20, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:366), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 juin 2020 (affaire R 2270/2019-1), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif imot.bg comme marque de l’Union européenne.
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphe 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi par voie d’ordonnance motivée.
6 À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante invoque trois arguments par lesquels elle fait valoir que son pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union.
7 Par son premier argument, la requérante reproche au Tribunal d’avoir omis d’établir, dans la section « Antécédents du litige » de l’arrêt attaqué, une distinction explicite entre les affaires ayant donné lieu, d’une part, à cet arrêt et, d’autre part, à l’arrêt du 20 novembre 2019, Rezon/EUIPO (imot.bg) (T-101/19, non publié, EU:T:2019:793), qui concernaient pourtant deux demandes distinctes d’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne du signe figuratif imot.bg, pour des services différents de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, reposant sur des bases juridiques différentes. Or, la recevabilité et le bien-fondé du recours de la requérante ne sauraient être appréciés sur la base d’une transposition mécanique de décisions précédentes portant sur des procédures de nature différente. La thèse de la chambre de recours de l’EUIPO, quant à l’existence de la res judicata concernant la question du caractère descriptif ou distinctif de la marque pour les services de la classe 38, aurait été retenue à tort par le Tribunal.
8 Par son deuxième argument, la requérante fait valoir que le Tribunal a traité la marque figurative imot.bg comme une marque verbale, en la scindant en ses éléments constitutifs « imot » et « bg », pour estimer que le terme « imot » était descriptif et que « bg » renvoyait à un domaine ou à un site, et pour en déduire qu’il était ainsi renvoyé à l’intitulé d’un site Internet par lequel sont offerts des services relatifs à des biens immobiliers et d’autres biens. À cet égard, la question de savoir si une marque figurative peut être examinée en tant que marque verbale faisant l'objet d’une analyse des mots qui la composent et non pas dans son ensemble revêtirait une importance fondamentale pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union.
9 Par son troisième argument, la requérante reproche au Tribunal d’avoir considéré que le signe imot.bg était descriptif des services de la classe 35 et de la classe 38 au sens de l’arrangement de Nice. Or, la note explicative portant sur la classe 35 n’inclurait ni les opérations impliquant un bien immobilier ni l’enregistrement d’un nom de domaine. En outre, un examen attentif de la classe 38 ne permettrait pas de trouver un lien direct et immédiat entre le signe imot.bg et les services de cette dernière classe dont l’enregistrement était demandé. L’explication univoque des critères sur la base desquels un tel lien devrait être apprécié en ce qui concerne la présence ou l’absence de caractère descriptif, lesquels pourraient constituer le libellé de ces notes explicatives, serait une question d’une importance fondamentale pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union.
10 À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).
11 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 14, et du 11 novembre 2021, Sun Stars & Sons/EUIPO, C-425/21 P, non publiée, EU:C:2021:927, point 13).
12 Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt attaqué, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt attaqué. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt attaqué que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).
13 En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).
14 En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argument évoqué au point 7 de la présente ordonnance, tiré de l’absence de distinction explicite, dans la section « Antécédents du litige » de l’arrêt attaqué, entre les procédures ayant donné lieu, d’une part, à cet arrêt et, d’autre part, à l’arrêt du 20 novembre 2019, Rezon/EUIPO (imot.bg) (T-101/19, non publié, EU:T:2019:793), relatif à une précédente demande d’enregistrement de marque présentée en septembre 2017, contre lequel la Cour, par ordonnance du 21 avril 2020, Rezon/EUIPO (C-26/20 P, non publiée, EU:C:2020:283) n’a pas admis de pourvoi, il y a lieu de relever qu’un tel argument n’est pas, en soi, suffisant pour établir que le présent pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Alors que la requérante est tenue de satisfaire à l’ensemble des exigences énoncées au point 12 de la présente ordonnance, force est de constater qu’elle n’a pas respecté toutes ces exigences dans la mesure, notamment, où elle n’a pas exposé en quoi consisterait l’erreur prétendument commise par le Tribunal à cet égard ni pourquoi serait en cause une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
15 En deuxième lieu, s’agissant de l’argument résumé au point 8 de la présente ordonnance, tiré du fait que le Tribunal aurait omis d’examiner la marque figurative imot.bg dans son ensemble et traité celle-ci comme une marque verbale en faisant une analyse des mots qui la composent, force est de constater que la requérante se limite à énoncer l’erreur prétendument commise par le Tribunal et à affirmer, de manière générale, que la question de savoir si une marque figurative peut être examinée ainsi et non pas dans son ensemble, revêt une importance fondamentale pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, sans exposer les raisons concrètes pour lesquelles son pourvoi soulèverait une question importante pour cette unité et cette cohérence ou pour le développement du droit de l’Union.
16 Or, conformément à la charge de la preuve pesant sur l’auteur d’une demande d’admission de pourvoi, la requérante doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’elle invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt attaqué et, en définitive, celui de son pourvoi. Cette démonstration suppose d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement invoquer des arguments d’ordre général (voir, en ce sens, ordonnance du 12 mars 2020, Roxtec/EUIPO, C-893/19 P, non publiée, EU:C:2020:209, point 19).
17 En troisième lieu, s’agissant de l’argument mentionné au point 9 de la présente ordonnance, relatif aux critères sur la base desquels le lien direct et immédiat de la marque avec les produits et services dont l’enregistrement est demandé devrait être apprécié, la requérante se borne, de même, à énoncer les erreurs prétendument commises par le Tribunal ayant conduit ce dernier à considérer que la marque imot.bg était dépourvue de caractère distinctif, ainsi qu’à indiquer, de manière générale, que l’explication univoque de ces critères revêtirait une importance fondamentale pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, sans exposer les raisons concrètes pour lesquelles son pourvoi soulèverait une question importante pour cette unité et cette cohérence ou pour le développement du droit de l’Union.
18 Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
19 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.
Sur les dépens
20 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
21 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) Rezon OOD supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : le bulgare.