ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
27 janvier 2022 (*)
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »
Dans l’affaire C-557/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 septembre 2021,
Acciona SA, établie à Alcobendas (Espagne), représentée par Me J. C. Erdozain López, abogado,
partie requérante,
Les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
Agencia Negociadora PB SL, établie à Las Rozas de Madrid (Espagne),
partie intervenante en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
composée de M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, Mme I. Ziemele et M. P. G. Xuereb (rapporteur), juges,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. A. M. Collins, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Acciona SA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 30 juin 2021, Acciona/EUIPO – Agencia Negociadora PB (REACCIONA) (T-362/20, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:399), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 avril 2020 (affaire R 652/2019-4) relative à une procédure de déchéance entre Agencia Negociadora PB SL et Acciona.
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.
6 À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante invoque trois arguments, par lesquels elle fait valoir que son pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, justifiant, selon elle, son admission.
7 Par son premier argument, la requérante reproche, en substance, au Tribunal d’avoir violé l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1), en ce qu’il a adopté une interprétation trop rigoureuse de l’expression de « justes motifs pour le non-usage », au sens de cette disposition.
8 En effet, ladite interprétation s’opposerait à ce que l’existence d’une procédure en contrefaçon devant les juridictions nationales, engagée contre le titulaire de la marque dont la déchéance est demandée, puisse être considérée comme une justification raisonnable qui empêche l’usage sérieux de la marque en cause.
9 Selon la requérante, le fait de restreindre le sens de la justification du non-usage en imposant au titulaire de la marque en cause l’obligation de contourner le conflit à l’origine de ce non-usage dénaturerait le sens du terme « juste », en ce que ce titulaire ne pourrait pas invoquer comme motif de non-usage l’existence d’une telle procédure juridictionnelle, mais devrait, en outre, démontrer que, indépendamment de l’existence de cette procédure, il aurait pu éviter celle-ci en ayant adopté une stratégie commerciale différente.
10 Par son deuxième argument, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir considéré que le rejet des mesures conservatoires dans le cadre de la procédure en contrefaçon dirigée contre le titulaire de la marque dont la déchéance est demandée aurait dû inciter ce dernier à ignorer ou à minimiser le risque d’être condamné pour contrefaçon et de devoir faire face au versement d’une indemnité élevée, ce risque étant le motif qui a finalement occasionné le non-usage de la marque en cause par la suite dans la procédure en déchéance.
11 À cet égard, le Tribunal aurait également procédé à une interprétation trop rigoureuse de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, minimisant ou estompant la capacité « justificative » d’une procédure en contrefaçon, en tant que motif de non-usage de la marque en cause, dès lors que le titulaire de la marque en cause pourrait être condamné sur le fond, malgré le rejet des mesures conservatoires demandées contre lui.
12 Par son troisième et dernier argument, la requérante estime, en substance, que le Tribunal a constaté à tort qu’il incombait au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée d’établir une corrélation entre l’octroi de cette marque et une éventuelle future procédure en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque antérieure. Tout en soulevant la question de savoir si cette corrélation constitue, ou non, un « fait indépendant de la volonté du titulaire de la marque dont la déchéance est demandée », la requérante fait valoir que, si tel n’était pas le cas, alors le motif de non-usage de la marque en cause ne serait pas un événement indépendant de sa volonté et ne pourrait pas, dès lors, être utilisé en tant que juste motif pour le non-usage de cette marque, au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.
13 À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).
14 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 14, et du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21).
15 Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22 et jurisprudence citée).
16 En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).
17 En l’occurrence, il y a lieu de relever tout d’abord que, si, par son argumentation résumée aux points 7 à 12 de la présente ordonnance, la requérante énonce des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’elle n’identifie pas, de manière précise, les points de l’arrêt attaqué qu’elle entend remettre en cause.
18 En outre, si, par cette argumentation, la requérante fait valoir de manière générale qu’il y a lieu d’admettre son pourvoi aux fins d’assurer l’unité et la cohérence du droit de l’Union ou que l’arrêt attaqué nuit à cette unité et à cette cohérence, elle n’explique pas ni, en tout état de cause, ne démontre, d’une manière respectant l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance, en quoi son pourvoi soulève une question importante au regard de ces critères qui justifierait l’admission du pourvoi. En effet, la requérante se limite, d’une part, à énoncer les erreurs prétendument commises par le Tribunal en ce qui concerne l’interprétation de l’expression de « justes motifs pour le non-usage », au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 et, d’autre part, à affirmer qu’une décision de la Cour est nécessaire pour clarifier le sens qu’il convient de donner à cette expression, sans pour autant exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles la violation alléguée de ladite disposition soulève des questions importantes au regard des critères susmentionnés.
19 Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
20 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.
Sur les dépens
21 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
22 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) Acciona SA supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.