IP case law Court of Justice

Order of 3 Feb 2025, C-578/24 (Sophienwald v EUIPO), ECLI:EU:C:2025:74.



ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

3 février 2025 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C-578/24 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 septembre 2024,

Sophienwald AG, établie à Vaduz (Liechtenstein), représentée par Me J. Hellenbrand, avocat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Zalto Glas GmbH, établie à Gmünd (Autriche),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de M. T. von Danwitz, vice-président de la Cour, M. A. Kumin et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition de la juge rapporteure et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Sophienwald AG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 3 juillet 2024, Sophienwald/EUIPO – Zalto Glas (Sw Sophienwald) (T-597/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2024:432), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 25 juillet 2022 (affaire R 2113/2021-1), relative à une procédure de nullité entre Zalto Glas GmbH et Sophienwald.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la partie requérante fait valoir que les deux moyens de son pourvoi, tirés de la violation, respectivement, de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1) et de l’article 94, paragraphe 1, du même règlement, soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        Le premier moyen de la partie requérante porte sur l’examen par le Tribunal du caractère descriptif de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée par la partie requérante le 12 novembre 2014 pour le signe figuratif reproduit ci-dessous :

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(ci-après la « marque en cause »). La partie requérante reproche au Tribunal de s’être fondé, aux points 55, 56 et 65 de l’arrêt attaqué, sur une compréhension du public pertinent caractérisée par une connaissance particulière de l’Histoire. Or, une prétendue renommée historique de la marque en cause serait dénuée de pertinence, ainsi que cela ressortirait de la jurisprudence de la Cour, plus particulièrement des arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee (C-108/97 et C-109/97, EU:C:1999:230, point 31) et du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO (C-488/16 P, EU:C:2018:673, point 38). Le Tribunal aurait dû prendre en compte l’absence de production actuelle ou récente de verre dans la région de Žofina Hut (République tchèque), qui était anciennement dénommée Sophienwald, et en conclure que les produits couverts par la marque en cause ne présentaient pas de caractéristiques pour lesquelles le terme « Sophienwald » était actuellement réputé ou connu.

8        Par son second moyen, la partie requérante soutient que, au lieu de procéder à un examen autonome au regard du règlement 2017/1001, la chambre de recours et le Tribunal ont repris à leur compte, aux points 55, 56 et 59 de l’arrêt attaqué, les décisions nationales, sans les vérifier, contrairement à ce qu’exigerait la jurisprudence du Tribunal issue de l’arrêt du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU) (T-501/13, EU:T:2016:161, points 38 à 46 et 58 et suivants). En outre, le Tribunal aurait déduit de l’évocation du nom d’un lieu dans des publications historiques que le contenu de ces publications pouvait être assimilé à la connaissance du consommateur moyen ou du public spécialisé moyen ou être considéré comme un indice des connaissances actuelles de ces personnes et n’aurait pas, contrairement aux exigences établies, notamment, par cette jurisprudence, procédé à des recherches spécifiques afin de déterminer si le terme « Sophienwald » était perçu par le public pertinent comme étant le nom d’un lieu de fabrication des produits pour lesquels la marque en cause était demandée et s’il fallait s’attendre à une telle perception à l’avenir. Ce faisant, le Tribunal n’aurait pas satisfait à l’exigence de motivation de sa décision.

9        Selon la partie requérante, ces moyens soulèvent des questions relatives à la pertinence d’une renommée historique, à l’intensité d’une telle renommée et à l’ancienneté de celle-ci, au niveau exigé des connaissances du public pertinent ainsi qu’à la question de savoir si l’évocation du nom d’un lieu dans des publications historiques peut être assimilée à la connaissance du consommateur moyen ou du public spécialisé moyen ou être considérée comme un indice des connaissances actuelles de ces personnes. Ces questions seraient importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union du fait que, en l’absence d’une réponse univoque de la Cour, des décisions contradictoires continueraient à être prononcées, comme en témoigneraient celles qui ont été rendues en l’espèce, tant au niveau de l’Union par l’EUIPO et par le Tribunal, qu’au niveau national par le Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques, Allemagne) ainsi que par le Bundespatentsgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne).

 Appréciation de la Cour

10      À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la partie requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C-93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

11      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par la partie requérante doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C-93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

12      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la partie requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C-93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

13      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 9 janvier 2024, Yayla Türk/EUIPO, C-611/23 P, EU:C:2024:3, point 13).

14      En l’espèce, il importe de relever, en premier lieu, que par l’argumentation résumée au point 7 de la présente ordonnance, la partie requérante, sous couvert d’une prétendue méconnaissance des critères d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c) du règlement 2017/1001, cherche, en réalité, à remettre en cause l’appréciation factuelle effectuée par le Tribunal lors de l’examen des éléments relatifs au caractère descriptif de la marque en cause et à la perception de cette marque par le public pertinent, et l’ayant conduit à considérer que le terme « Sophienwald » était compris par le public spécialisé comme désignant un lieu associé à la tradition bohémienne de la production du verre. Or, une telle argumentation ne saurait, en tant que telle, être de nature à démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (voir, en ce sens, ordonnance du 4 octobre 2024, Converso/Verla-Pharm Arzneimittel et EUIPO, C-444/24 P, EU:C:2024:873, point 12 ainsi que jurisprudence citée). Par ailleurs, en ce qui concerne la prétendue contrariété de l’arrêt attaqué avec la jurisprudence de la Cour évoquée à ce même point 7, la partie requérante, bien qu’identifiant tant les points contestés de l’arrêt attaqué que ceux de cette jurisprudence, demeure en défaut de démontrer les raisons concrètes pour lesquelles cette prétendue contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

15      En deuxième lieu, s’agissant de l’argumentation de la partie requérante exposée au point 8 de la présente ordonnance, tirée de la méconnaissance, par le Tribunal, de sa propre jurisprudence et de l’exigence de motivation du fait que, premièrement, il aurait omis un examen autonome au regard du règlement 2017/1001, et, deuxièmement, il aurait dû procéder à des recherches spécifiques visant à établir que le public pertinent perçoit le terme dont l’enregistrement en tant que marque est demandé exclusivement comme une indication descriptive, il y a lieu de rappeler qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 12 de la présente ordonnance (ordonnance du 8 novembre 2024, VDS Czmyr Kowalik/EUIPO, C-439/24 P, EU:C:2024:948, point 20 et jurisprudence citée).

16      Or, en l’espèce, si la partie requérante, d’une part, précise les points contestés de l’arrêt attaqué et ceux de l’arrêt du Tribunal du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU) (T-501/13, EU:T:2016:161) qui auraient été méconnus ainsi que, d’autre part, indique une prétendue erreur de droit commise par le Tribunal, à savoir la méconnaissance de l’exigence de motivation, elle n’explique toutefois pas, avec la précision et la clarté requises, en quoi de telles méconnaissances soulèvent une question revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. 

17      En troisième lieu, s’agissant de l’argumentation de la partie requérante résumée au point 9 de la présente ordonnance, tirée d’une prétendue contradiction des solutions jurisprudentielles retenues, d’une part, au niveau national et, d’autre part, au niveau de l’Union, en l’absence d’une réponse univoque de la Cour, il y a lieu de rappeler que le fait qu’une question de droit n’a pas fait l’objet d’un examen par la Cour ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour la cohérence, l’unité ou le développement du droit de l’Union. En effet, l’auteur d’une demande d’admission est toujours tenu de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère nouveau de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard de ces critères (ordonnance du 17 octobre 2023, Kaminski/EUIPO, C-406/23 P, EU:C:2023:787, point 18 et jurisprudence citée), ce que la partie requérante demeure en défaut de faire en l’espèce.

18      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la partie requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

19      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

20      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

21      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Sophienwald AG supporte ses propres dépens.

Signatures

*      Langue de procédure : l’allemand.





This case is cited by :
  • C-774/24

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