ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
13 décembre 2021 (*)
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »
Dans l’affaire C-589/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 septembre 2021,
Abitron Germany GmbH, établie à Langquaid (Allemagne), représentée par Mes T. Dolde et C. Zimmer, rechtsanwälte,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
Hetronic International, Inc., établie à Oklahoma City, Oklahoma (États-Unis),
partie intervenante en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
composée de M. L. Bay Larsen, vice-président, MM. J. Passer (rapporteur) et N. Wahl, juges,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Campos Sánchez-Bordona, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Abitron Germany GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2021, Abitron Germany/EUIPO – Hetronic International (NOVA) (T-75/20, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:431), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 décembre 2019 (affaire R 521/2019-4), relative à une procédure de nullité entre Abitron Germany et Hetronic International, Inc.
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.
6 À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que les cinq moyens de son pourvoi revêtent une importance considérable pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
7 Ainsi, s’agissant du premier moyen, la requérante fait valoir que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait outrepassé sa compétence et donc aurait statué « ultra vires » dans la mesure où, lors de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur de la marque contestée conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no°207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], il se serait prononcé sur la titularité des droits sur la marque non enregistrée antérieure au regard du droit national.
8 Plus concrètement, la requérante affirme que, au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait prononcé sur ladite titularité en examinant les contrats conclus entre les parties à la procédure de nullité au regard du droit national applicable. Or, un tel examen ne relèverait ni de la compétence du Tribunal, ni de celle de l’EUIPO.
9 De plus, selon la requérante, en se reconnaissant compétent pour interpréter les contrats en cause et en examinant, aux points 55 et 58 de l’arrêt attaqué, la titularité d’une marque nationale non enregistrée, le Tribunal a méconnu sa jurisprudence issue notamment des arrêts du 9 septembre 2011, Chalk/OHMI – Reformed Spirits Company Holdings (CRAIC) (T-83/09, non publié, EU:T:2011:450, points 30, 31 et 34), et du 13 mai 2020, Peek & Cloppenburg/EUIPO – Peek & Cloppenburg (Peek & Cloppenburg) (T-446/18, non publié, EU:T:2020:187, point 90). Cette jurisprudence aurait délimité la compétence de l’EUIPO en le privant de la possibilité de se prononcer sur les questions relevant du droit national dont fait partie la constatation de la titularité d’une marque nationale non enregistrée antérieure.
10 Dans ce contexte, la requérante fait valoir qu’une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union réside dans la nécessité de délimiter la compétence de l’EUIPO. Elle souligne également l’importance des effets de l’arrêt attaqué sur une procédure pendante aux États-Unis.
11 Pour ce qui concerne ses deuxième à quatrième moyens, tirés respectivement de la violation par le Tribunal de son obligation de motivation en vertu de l’article 36, première phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, du principe « ne ultra petita » et de l’article 47, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la requérante allègue que ces violations sont étroitement liées à l’absence de compétence décisionnelle, et, par conséquent, soulèvent des questions de droit importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.
12 Relativement à son cinquième moyen, dans le cadre duquel elle reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la requérante soutient que cette disposition a fait l’objet de plusieurs arrêts du Tribunal, sans toutefois donner lieu à une jurisprudence uniforme quant à l’interprétation de la notion de « mauvaise foi » y figurant, d’où la nécessité d’une décision de la Cour permettant d’assurer l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.
13 À cet égard, elle fait valoir que la constatation du Tribunal, selon laquelle l’intervenante cherchait à protéger ses intérêts par des moyens légaux disponibles, est en contradiction avec la jurisprudence découlant de l’arrêt du 21 avril 2021, Hasbro/EUIPO – Kreativni Dogadaji (MONOPOLY) (T-663/19, EU:T:2021:211, point 54), dans lequel il est précisé que « l’inscription d’une marque de l’Union européenne au registre de l’EUIPO ne saurait être assimilée à un dépôt stratégique et statique ». La requérante indique que le Tribunal a jugé à tort, à son détriment, qu’il existait d’autres litiges pendants entre les parties au principal concernant l’utilisation de la marque non enregistrée antérieure, sans tenir compte du fait que l’intervenante avait déposé une demande d’enregistrement de la marque de l’Union européenne exclusivement pour des raisons de tactique procédurale et non pour des raisons de stratégie de marque.
14 À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).
15 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnances 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 14 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 octobre 2021, FCA Italy/EUIPO, C-360/21 P, non publiée, EU:C:2021:841, point 13 et jurisprudence citée).
16 Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt attaqué, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).
17 En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).
18 En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation évoquée aux points 7 à 10 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal aurait outrepassé sa compétence en se prononçant sur la titularité de la marque non enregistrée antérieure, il y a lieu de constater que la requérante n’indique pas concrètement dans quelle mesure l’erreur invoquée, à la supposer avérée, a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt attaqué. Aussi, son argumentation ne saurait soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
19 En outre, quant à l’argumentation de la requérante résumée au point 9 de la présente ordonnance, tirée d’une méconnaissance, par le Tribunal, de sa propre jurisprudence, il convient de relever qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 16 de la présente ordonnance. Or, en l’occurrence, la requérante ne fournit aucune indication sur la similitude des situations visées dans la jurisprudence du Tribunal qui aurait été méconnue permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée (ordonnance du 18 mai 2021, Embutidos Monells/EUIPO, C-59/21 P, non publiée, EU:C:2021:396, point 19 et jurisprudence citée).
20 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argumentation résumée au point 11 de la présente ordonnance, il suffit de constater que la requérante se limite à énoncer les erreurs prétendument commises par le Tribunal, sans exposer les raisons concrètes pour lesquelles ces erreurs, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
21 En troisième et dernier lieu, s’agissant de l’argumentation évoquée aux points 12 et 13 de la présente ordonnance, tirée, en substance, d’une méconnaissance de la jurisprudence du Tribunal relative à l’appréciation de la mauvaise foi du demandeur de la marque lors du dépôt de la demande d’enregistrement, il importe de souligner que si la requérante précise le point de l’arrêt attaqué et celui de l’arrêt du Tribunal du 21 avril 2021, Hasbro/EUIPO – Kreativni Dogadaji (MONOPOLY) (T-663/19, EU:T:2021:211) prétendument méconnu, elle ne fournit toutefois pas d’indications sur les raisons concrètes pour lesquelles la contradiction alléguée, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
22 En outre, le simple argument selon lequel une disposition du droit de l’Union a fait l’objet de plusieurs arrêts du Tribunal, qui ont donné lieu à une jurisprudence non uniforme relativement à la notion de mauvaise foi, ne respecte pas les exigences énoncées au point 16 de la présente ordonnance, lorsque, comme en l’espèce, il n’est pas doublé d’indications sur les raisons concrètes pour lesquelles une telle circonstance, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, mais est d’ordre général.
23 Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
24 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.
Sur les dépens
25 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
26 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) Abitron Germany GmbH supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.