ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
13 décembre 2021 (*)
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »
Dans l’affaire C-619/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 1er octobre 2021,
Cora, établie à Marne-la-Vallée (France), représentée par Me M. Georges-Picot, avocate,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Coravin, Inc., établie à Wilmington, Delaware (États-Unis),
partie demanderesse en première instance,
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
composée de M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, MM. F. Biltgen (rapporteur) et N. Wahl, juge,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. A. Collins, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Cora demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 20 juillet 2021, Coravin/EUIPO – Cora (CORAVIN) (T-500/19, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:493), par laquelle celui-ci a jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 avril 2019 (affaire R 2385/2016-1), relative à une procédure de nullité entre Cora et Coravin.
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.
6 À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante avance que les trois moyens de son pourvoi soulèvent des questions importantes pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union.
7 En premier lieu, la requérante fait valoir que, au point 35 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a retenu à tort que le droit antérieur, permettant au titulaire d’une marque antérieure de demander la nullité d’une marque plus récente, doit continuer à être protégé tout au long de la procédure d’annulation jusqu’à la date à laquelle l’EUIPO se prononce sur la demande en nullité. En statuant ainsi, le Tribunal aurait violé l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), selon lequel, l’ensemble des conditions visées à ce paragraphe doivent être remplies à la date de dépôt de la marque de l’Union européenne.
8 À cet égard, la requérante soutient que les motifs figurant aux points 36 à 43 de l’ordonnance attaquée soulèvent une question non encore résolue par la Cour et portant sur la légalité ainsi que la compatibilité de l’ordonnance attaquée avec la disposition susmentionnée. Or, cette question revêtirait une importance pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union. La requérante relève, en outre, que si l’EUIPO arrive à la même conclusion que le Tribunal en ce qui concerne la nécessité que le droit antérieur perdure jusqu’au jour où il statue sur la demande en nullité, les motifs exposés par l’EUIPO divergent de ceux retenus par le Tribunal. D’après la requérante, cette divergence d’interprétation menace le caractère unitaire de la marque de l’Union et l’examen de la légalité de l’ordonnance attaquée par la Cour est essentiel pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union.
9 En deuxième lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu la jurisprudence relative aux circonstances justifiant le prononcé d’un non-lieu à statuer, en ce qu’il a confondu l’existence du droit antérieur avec celle de l’objet du litige. La requérante fait valoir que les événements non rétroactifs, tels que la déchéance, n’éteignent pas l’objet du litige. Partant, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en retenant que la déchéance des droits sur la marque antérieure, intervenue en cours d’instance, avait fait disparaître l’objet du litige. Le Tribunal aurait également commis une erreur en concluant que la marque antérieure n’avait pas perduré jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle de la division d’opposition le 20 octobre 2016 et de la première chambre de recours de l’EUIPO le 12 avril 2019.
10 Dans ce contexte, la requérante avance que l’ordonnance attaquée soulève la question de savoir si la non-rétroactivité de la déchéance autorise à prendre en compte, pour déterminer s’il existe une cause de non-lieu à statuer, la déchéance déclarée après la décision de l’EUIPO sur la demande en nullité, mais dont le point de départ a été fixé, pour l’avenir à une date antérieure à cette décision. À cet égard, elle fait valoir que l’ordonnance attaquée menace le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne en ce que le Tribunal y a bousculé la règle de principe selon laquelle la déchéance n’emporte pas d’effet rétroactif.
11 En troisième lieu, la requérante soutient que la condition retenue par le Tribunal au point 35 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle le droit antérieur doit continuer à être protégé tout au long de la procédure d’annulation jusqu’à la date à laquelle l’EUIPO se prononce sur la demande en nullité, n’est pas conforme au principe de sécurité juridique en ce qu’elle fait dépendre le sort d’une action en nullité des délais de traitement des procédures devant les offices et devant les juridictions des différents États membres. À cet égard, la requérante soutient que, par analogie avec ce qui a été jugé par la Cour dans l’arrêt du 17 décembre 2020, Husqvarna (C-607/19, EU:C:2020:1044), le raisonnement du Tribunal est susceptible de porter atteinte à l’objectif du législateur de l’Union d’assurer le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne et qu’il est essentiel que la Cour se prononce sur la légalité de la condition susmentionnée. En outre, la requérante reproche au Tribunal de l’avoir privée d’une décision favorable reconnaissant l’existence d’un risque de confusion de la marque attaquée avec sa marque antérieure pour le passé et d’avoir octroyé à Coravin un droit sur la marque attaquée à compter de sa date de dépôt. Cela faisant, le Tribunal aurait traité les parties de manière inéquitable en portant atteinte aux droits de la défense.
12 À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).
13 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 14, et du 11 novembre 2021, Sun Stars & Sons/EUIPO, C-425/21 P, non publiée, EU:C:2021:927, point 13).
14 Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).
15 En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).
16 En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation résumée aux points 7 et 8 de la présente ordonnance, portant sur la prétendue violation de l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 207/2009, il convient de constater que, afin de démontrer l’importance de cette question pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, la requérante se borne à soutenir que cette question n’a pas encore été résolue par la Cour et que la divergence entre la motivation exposée par le Tribunal et celle exposée par l’EUIPO menace le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne.
17 En ce qui concerne, d’une part, la prétendue nouveauté de la question, il convient de rappeler que le fait qu’une question de droit n’a pas encore fait l’objet d’un examen par la Cour ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la requérante étant toujours tenue de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère de nouveauté de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard desdits critères (voir, en ce sens, ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 19 et jurisprudence cité, ainsi que du 22 novembre 2021, Birkenstock IP et Birkenstock Sales/EUIPO, C-498/21 P, non publiée, EU:C:2021:952, point 17). Or, force est de constater que, en l’occurrence, une telle démonstration fait défaut.
18 D’autre part, concernant la divergence alléguée entre la motivation exposée par le Tribunal et celle exposée par l’EUIPO, concernant la nécessité que le droit antérieur perdure jusqu’au jour où ce dernier statue sur la demande en nullité, même à la supposer établie, il suffit de rappeler que le Tribunal n’est pas lié par les décisions prises par l’EUIPO (ordonnance du 25 septembre 2019, EM Research Organization/EUIPO, C-728/18 P, non publiée, EU:C:2019:781, point 57). Dès lors, force est de constater qu’une telle argumentation ne saurait démontrer que la question soulevée est importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union.
19 En deuxième lieu, s’agissant des arguments évoqués aux points 9 et 10 de la présente ordonnance, il convient de constater que si la requérante invoque une méconnaissance, par le Tribunal, de la jurisprudence portant sur les circonstances justifiant le prononcé d’un non-lieu à statuer, elle n’indique aucune décision de la Cour ou du Tribunal qui aurait été méconnue. En outre, bien que la requérante identifie la question de droit que cette argumentation soulèverait, elle n’allègue ni, a fortiori, ne démontre en quoi cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, la requérante se borne à affirmer, de façon abstraite, que l’ordonnance attaquée menace le caractère unitaire de la marque de l’Union européenne. Or, une telle affirmation n’est pas suffisante pour établir que le pourvoi soulève des questions importantes au regard desdits critères, la requérante devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 17 et jurisprudence citée).
20 En troisième lieu, concernant l’argumentation tirée d’une atteinte à la sécurité juridique et aux droits de la défense, évoquée au point 11 de la présente ordonnance, il y a lieu de relever que, si la requérante identifie l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, elle ne fournit pas de raisons précises pour lesquelles cette erreur, à la supposer établie, soulèverait une question importante au regard de l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Elle invoque, à cet égard, l’arrêt du 17 décembre 2020, Husqvarna (C-607/19, EU:C:2020:1044) sans pour autant fournir la moindre indication tant sur les points de cet arrêt qu’elle souhaite invoquer que sur la similitude des situations visées dans ledit arrêt et l’ordonnance attaquée. Or, cette argumentation ne saurait démontrer l’existence d’une question importante qui justifierait l’admission du pourvoi.
21 En effet, il convient de rappeler que le fait qu’un pourvoi soulève certaines questions de droit propres à l’arrêt ou à l’ordonnance sous pourvoi ne permet pas, en soi, de considérer que ce pourvoi doit être admis par la Cour. À cette fin, le requérant au pourvoi doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’il invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance du 11 février 2021, Klose/EUIPO, C-600/20 P, non publiée, EU:C:2021:110, point 16 et jurisprudence citée).
22 Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
23 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.
Sur les dépens
24 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
25 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) Cora supporte ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 13 décembre 2021.
Le greffier
Le président de la chambre d’admission des pourvois
A. Calot Escobar
L. Bay Larsen
* Langue de procédure : le français.