ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
25 mars 2021 (*)
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »
Dans l’affaire C-722/20 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 31 décembre 2020,
Ultrasun AG, établie à Zürich (Suisse), représentée par Mes M. A. von Mühlendahl et H. Hartwig, Rechtsanwälte,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente de la Cour, M. N. Piçarra, président de la neuvième chambre et Mme K. Jürimäe (rapporteure), juge,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Bobek, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Ultrasun AG demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 20 octobre 2020, Ultrasun/EUIPO (ultrasun) (T-805/19, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2020:507), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 5 septembre 2019 (affaire R 531/2019-4), relative à une demande d’enregistrement du signe figuratif ultrasun comme marque de l’Union européenne.
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.
6 À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante soulève un moyen unique tiré d’une violation, par le Tribunal, de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1). Dans ce cadre, dans un premier temps, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ayant conclu au caractère descriptif de la marque demandée sans opérer aucune constatation sur le caractère descriptif de son élément figuratif. En effet, elle soutient que, afin d’appliquer l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il est nécessaire, selon les arrêts du 12 février 2004, Campina Melkunie (C-265/00, EU:C:2004:87), et du 12 février 2004, Koninkljijke KPN Nederland (C-363/99, EU:C:2004:86), d’établir que chaque signe ou indication est descriptif et que le signe dans son ensemble est également descriptif.
7 Dans un deuxième temps, la requérante précise que la Cour ne s’est pas encore prononcée dans une affaire telle que celle ayant donné lieu à l’ordonnance attaquée, qui concerne une marque composée d’un mot (ultrasun) et d’une image (cercle rouge), dans laquelle l’interprétation faite par le Tribunal de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 aurait été confirmée. Par ailleurs, selon la requérante, l’erreur de droit en cause a une incidence sur le résultat de l’ordonnance attaquée, parce que, si le Tribunal avait correctement examiné les constatations de la chambre de recours concernant le caractère descriptif de l’élément figuratif du signe ultrasun, il aurait dû annuler la décision de la chambre de recours.
8 Dans un troisième temps, la requérante fait valoir que la question de l’interprétation et de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 est importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union. En premier lieu, s’agissant de l’importance de ladite question pour l’unité du droit de l’Union, la requérante soutient que l’ordonnance attaquée ne reflète pas un cas unique de décision erronée du Tribunal, étant donné que le Tribunal aurait appliqué, tout au moins depuis six ans, et dans 40 décisions au moins, les critères précités à des marques composées d’un mot et d’une image, alors qu’il s’agissait, dans les affaires généralement désignées comme les décisions d’origine, de marques qui n’étaient pas composées d’un mot et d’une image comme la marque en cause.
9 En deuxième lieu, s’agissant de l’importance de cette question pour la cohérence du droit de l’Union, la requérante fait valoir que le fait d’utiliser les éléments qui sont déterminants dans l’examen du caractère distinctif également dans l’examen du caractère descriptif, comme l’exige la jurisprudence du Tribunal, nuit à la cohérence des motifs absolus de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 qui sont à examiner dans chaque cas.
10 En troisième lieu, en ce qui concerne l’importance de ladite question pour le développement du droit de l’Union, la requérante soulève que, dès lors que les arrêts cités au point 6 de la présente ordonnance concernaient l’interprétation des dispositions de la directive sur les marques, en vigueur à l’époque, qui coïncidaient avec celles du règlement sur la marque communautaire alors en vigueur, l’évolution du droit de l’Union requiert donc une décision claire et non équivoque de la Cour garantissant un développement uniforme du droit des marques de l’Union et de la législation nationale harmonisée en matière de marques.
11 À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).
12 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 3 septembre 2020, Gamma-A/EUIPO, C-199/20 P, non publiée, EU:C:2020:662, point 10 et jurisprudence citée).
13 Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser en quoi cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).
14 En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).
15 En l’occurrence, en ce qui concerne l’argumentation évoquée aux points 6 et 7 de la présente ordonnance, la requérante soulève, en substance, une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, et de la jurisprudence pertinente de la Cour, tout en faisant valoir que l’erreur en cause a une incidence sur le résultat de l’ordonnance attaquée.
16 En particulier, s’agissant de l’argumentation, résumée au point 6 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal aurait méconnu la jurisprudence de la Cour en ayant conclu au caractère descriptif de la marque demandée sans opérer aucune constatation sur le caractère descriptif de son élément figuratif, il convient de relever qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du 13 octobre 2020, Abarca/EUIPO, C-313/20 P, non publiée, EU:C:2020:821, point 17 et jurisprudence citée). Or, en l’occurrence, la requérante ne fournit aucune indication sur la similitude des situations visées dans les arrêts de la Cour qui auraient été méconnus permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2020, Confédération nationale du Crédit Mutuel/Crédit Mutuel Arkéa, C-867/19 P, non publiée, EU:C:2020:103, point 18). En outre, elle ne précise pas non plus, à suffisance de droit, en quoi une telle contradiction, à la supposer établie, soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
17 En effet, dans la mesure où la requérante souligne, ainsi qu’il ressort du point 7 de la présente ordonnance, que la Cour n’a pas eu l’occasion de se prononcer, dans le cadre de l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sur les critères concernant l’examen du caractère descriptif d’une marque composée d’un mot (ultrasun) et d’une image (cercle rouge), il y a lieu de rappeler que le fait qu’une question de droit n’a pas fait l’objet d’un examen par le Tribunal ou la Cour ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour la cohérence, l’unité ou le développement du droit de l’Union, la requérante étant toujours tenue de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère de nouveauté de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard d’un telle cohérence, d’une telle unité ou d’un tel développement (voir, en ce sens, ordonnance du 30 septembre 2019, All Star/EUIPO, C-461/19 P, non publiée, EU:C:2019:797, point 16).
18 La requérante au pourvoi doit ainsi démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’elle invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement des arguments d’ordre général (ordonnance du 12 mars 2020, Roxtec/EUIPO, C-893/19 P, non publiée, EU:C:2020:209, point 19). Or, s’agissant du moyen unique, une telle démonstration ne ressort pas de la présente demande.
19 Par ailleurs, concernant l’argumentation résumée aux points 8 à 10 de la présente ordonnance, il convient de considérer que la requérante se borne à fournir des arguments d’ordre général, tels que l’existence de plusieurs décisions du Tribunal prétendument erronées, la nécessité de la cohérence des motifs absolus de refus établis à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001, ainsi que l’importance du développement uniforme du droit des marques de l’Union et de la législation nationale harmonisée en matière de marques, sans pour autant avancer des arguments concrets et propres au cas d’espèce afin de prouver en quoi l’erreur de droit prétendument soumise par le Tribunal soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Partant, force est de constater que la requérante ne respecte pas l’ensemble des exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance.
20 Dans ces conditions, il convient de conclure que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
21 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.
Sur les dépens
22 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
23 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) Ultrasun AG supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.