ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
14 mars 2025 (*)
« Pourvoi – Protection des obtentions végétales – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »
Dans l’affaire C-774/24 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 11 novembre 2024,
Eurosemillas SA, établie à Cordoue (Espagne), représentée par Mes M. Esteve Sanz et J. Muñoz-Delgado y Mérida, abogados,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Office communautaire des variétés végétales (OCVV),
partie défenderesse en première instance,
Nador Cott Protection SAS, établie à Courbevoie (France),
Carpa DoradaSL, établie à Almazora (Espagne),
parties intervenantes en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois),
composée de M. T. von Danwitz, vice-président de la Cour, MM. S. Rodin et N. Piçarra (rapporteur), juges,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. A. Rantos, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Eurosemillas SA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 septembre 2024, Eurosemillas/OCVV – Nador Cott Protection et Carpa Dorada (Nadorcott) (T-145/23, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2024:611), par lequel celui-ci a rejeté le recours d’Eurosemillas tendant à l’annulation de la décision de la chambre de recours de l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV), du 2 janvier 2023 (affaire A002/2020).
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, sous b), du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’OCVV est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.
Argumentation de la partie requérante
6 À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la partie requérante fait valoir que les trois moyens de son pourvoi soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, au sens de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
7 Par son premier moyen, la partie requérante soutient que le Tribunal a porté atteinte aux droits fondamentaux à un recours effectif et à un procès équitable consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce qu’il aurait commis plusieurs erreurs dans l’appréciation des faits et des éléments de preuve ainsi que dans la répartition de la charge de la preuve. Elle allègue également que la motivation de l’arrêt attaqué est insuffisante et arbitraire et que le Tribunal a méconnu sa propre jurisprudence ainsi que celle de la Cour.
8 Ainsi, le premier moyen du pourvoi soulèverait la question fondamentale du degré de contrôle des décisions de l’OCVV et d’autres agences de l’Union européenne et plus particulièrement de l’obligation de ces dernières de procéder à l’instruction d’office des faits et d’appliquer les normes et les garanties procédurales afférentes aux procédures judiciaires.
9 Par son deuxième moyen, la partie requérante allègue que le Tribunal a violé l’article 10 du règlement (CE) no 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO 1994, L 227, p. 1), en ce qu’il aurait erronément jugé que la variété de mandarine Nadorcott du taxon botanique Citrus Reticulata Blanco était nouvelle, au sens de cet article, et ce alors que, avant la date du dépôt de la demande de protection, une cession de matériel végétal à des fins d’exploitation aurait été réalisée par l’obtenteur de cette variété ou avec son consentement.
10 Elle fait valoir que la question soulevée par ce deuxième moyen dépasse le cadre de son pourvoi, étant donné que la décision qu’adopterait la Cour affecterait les décisions de l’OCVV et du Tribunal dans de futures affaires.
11 Par son troisième moyen, la partie requérante soutient que le Tribunal a violé l’article 116, paragraphe 1, du règlement no 2100/94 ainsi que la jurisprudence de la Cour en matière de fraude et d’abus de droit, en ce qu’il aurait erronément jugé que l’existence d’omissions ou d’inexactitudes dans la demande de protection des obtentions végétales n’excluait pas l’applicabilité de cette disposition. Elle fait également valoir que la décision que prononcera la Cour dans la présente affaire affectera d’autres affaires caractérisées par des comportements abusifs devant l’OCVV ou une autre agence de l’Union.
Appréciation de la Cour
12 À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la partie requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 3 février 2025, Sophienwald/EUIPO, C-578/24 P, EU:C:2025:74, point 10).
13 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par la partie requérante doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 3 février 2025, Sophienwald/EUIPO, C-578/24 P, EU:C:2025:74, point 11).
14 Une demande d’admission du pourvoi doit ainsi énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi qui est mis en cause par la partie requérante que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 3 février 2025, Sophienwald/EUIPO, C-578/24 P, EU:C:2025:74, point 13).
15 En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 3 février 2025, Sophienwald/EUIPO, C-578/24 P, EU:C:2025:74, point 13).
16 En l’espèce, s’agissant, d’une part, de l’argumentation exposée au point 7 de la présente ordonnance, il importe de rappeler, premièrement, qu’une argumentation visant à remettre en cause des appréciations factuelles du Tribunal, ou encore son appréciation des éléments de preuve, n’est pas susceptible, en principe, et ce même à la supposer fondée, de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnances du 31 mars 2022, St. Hippolyt/EUIPO, C-762/21 P, EU:C:2022:255, point 18, et du 18 septembre 2024, Puma/EUIPO, C-339/24 P, EU:C:2024:777, point 22).
17 Deuxièmement, dans la mesure où la partie requérante critique la motivation fournie par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, il y a lieu de souligner qu’une argumentation visant à démontrer que le Tribunal n’a pas satisfait à son obligation de motivation n’est pas susceptible, en principe, de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnances du 11 juillet 2024, Puma/EUIPO, C-248/24 P, EU:C:2024:621, point 21, et du 18 septembre 2024, Puma/EUIPO, C-339/24 P, EU:C:2024:777, point 23).
18 Troisièmement, quant au reproche selon lequel le Tribunal a méconnu l’obligation incombant à l’OCVV de procéder à l’instruction d’office des faits ainsi que les règles régissant la charge de la preuve, force est de constater que la partie requérante n’a pas, contrairement aux exigences rappelées au point 14 de la présente ordonnance, identifié avec précision les erreurs de droit qui auraient été commises à cet égard dans l’arrêt attaqué et n’a pas exposé de manière spécifique les raisons pour lesquelles ces éventuelles erreurs de droit soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
19 S’agissant, d’autre part, de l’argumentation exposée aux points 9 à 11 de la présente ordonnance, selon laquelle les questions soulevées par les deuxième et troisième moyens dépassent le cadre du pourvoi, étant donné que la décision qu’adopterait la Cour affecterait les décisions de l’OCVV et d’autres agences ainsi que du Tribunal dans de futures affaires, il y a lieu de relever que la simple invocation de l’autorité que revêtirait la décision que prononcerait la Cour dans la présente affaire, notamment à l’égard des affaires qui seront introduites à l’avenir, ne saurait suffire, à elle seule, à démontrer l’existence d’une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, l’auteur d’une demande d’admission est toujours tenu de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère nouveau de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard de ces critères, ce que la partie requérante demeure en défaut d’établir en l’espèce (ordonnance du 3 février 2025, Sophienwald/EUIPO, C-578/24 P, EU:C:2025:74, point 17).
20 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la demande d’admission du pourvoi présentée par la partie requérante n’est pas de nature à établir que celui-ci soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
21 Eu égard aux motifs qui précèdent, il n’y a pas lieu d’admettre le pourvoi.
Sur les dépens
22 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
23 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) Eurosemillas SA supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.