ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
5 avril 2022 (*)
« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »
Dans l’affaire C-784/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 décembre 2021,
Wolfgang Kappes, demeurant à Bochum (Allemagne), représenté par Mes B. Schneiders, J. Schneiders, T. Pfeifer, et N. Gottschalk, Rechtsanwälte,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Sedus Stoll AG, établie à Dogern (Allemagne),
partie demanderesse en première instance,
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
composée de M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, MM. N. Jääskinen et M. Safjan (rapporteur), juges,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. A. Rantos, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, M. Wolfgang Kappes demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 octobre 2021, Sedus Stoll/EUIPO – Kappes (Sedus ergo+) (T-429/20, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:698), par lequel celui-ci a annulé la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 mars 2020 (affaire R 1303/2019-1), relative à une procédure d’opposition entre M. Kappes et Sedus Stoll AG.
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.
6 À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, le requérant fait valoir que son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
7 Plus particulièrement, cette question serait celle de savoir à quelles conditions l’élément d’un signe composé, qui possède un faible caractère distinctif, peut dominer l’impression d’ensemble d’une marque composée ou occuper, au sein de cette marque, une position distinctive autonome au sens de la jurisprudence de la Cour tirée de l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C-120/04, EU:C:2005:594).
8 À cet égard, le requérant reproche au Tribunal d’avoir, au point 83 de l’arrêt attaqué, réduit erronément le champ d’application du critère fixé par la jurisprudence de la Cour pour reconnaître une position distinctive autonome aux éléments faiblement distinctifs.
9 En effet, le Tribunal, en se référant à l’arrêt du 22 octobre 2015, BGW (C-20/14, EU:C:2015:714, point 40), aurait retenu, audit point 83, que pour qu’un élément doté d’un faible caractère distinctif puisse revêtir, dans une marque composée, une position distinctive autonome au sens de l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C-120/04, EU:C:2005:594), il doit, en raison notamment de sa position dans le signe ou de sa dimension, être susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci.
10 Dans ce contexte, le Tribunal aurait constaté que tel n’était pas le cas de l’élément verbal « ergo+ » de la marque demandée, à savoir « Sedus ergo+ », dont ni la position ni la dimension ne lui permettait de s’imposer à la perception du consommateur.
11 Le requérant fait valoir que, ce faisant, le Tribunal a retenu qu’un élément faiblement distinctif d’un signe ne peut occuper une position distinctive autonome au sein d’un signe global que si, en raison soit de sa dimension, soit de sa position dans le signe global, il s’impose à la perception du consommateur et est gardé en mémoire par celui-ci.
12 Or, la Cour, au point 40 de l’arrêt du 22 octobre 2015, BGW (C-20/14, EU:C:2015:714), n’aurait cité le critère de la dimension et celui de la position de l’élément qu’à titre d’exemples et non pas, comme l’aurait fait le Tribunal dans l’arrêt attaqué, à titre exhaustif.
13 Par ailleurs, le requérant allègue que la clarification par la Cour de la question juridique soulevée par son pourvoi s’impose au regard de l’obligation de cohérence, consacrée par le droit de l’Union, afin d’assurer une interprétation uniforme et de préserver l’unité du droit de l’Union. En effet, il existerait un risque de pratiques juridictionnelles nationales divergentes dès lors que ces juridictions peuvent parvenir, dans le cadre de leur examen juridique, à des conclusions différentes en fonction des critères d’examen appliqués pour la reconnaissance d’une position distinctive autonome en ce qui concerne les éléments faiblement distinctifs.
14 À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20 et jurisprudence citée).
15 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21 et jurisprudence citée).
16 Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22 et jurisprudence citée).
17 En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 février 2022, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO, C-678/21 P, non publiée, EU:C:2022:141, point 17 et jurisprudence citée).
18 En l’occurrence, s’agissant de l’argumentation résumée aux points 6 à 13 de la présente ordonnance, par laquelle le requérant reproche au Tribunal d’avoir méconnu la jurisprudence de la Cour relative au critère fixé pour la reconnaissance d’une position distinctive autonome en ce qui concerne les éléments faiblement distinctifs, tirée notamment de l’arrêt du 22 octobre 2015, BGW (C-20/14, EU:C:2015:714), il y a lieu de rappeler qu’une allégation générale selon laquelle le Tribunal aurait appliqué la jurisprudence de la Cour de manière erronée n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 16 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du 30 novembre 2021, Health Product Group/EUIPO, C-483/21 P, non publiée, EU:C:2021:981, point 22 et jurisprudence citée).
19 Or, si le requérant précise le point de l’arrêt attaqué qu’il met en cause et celui de l’arrêt de la Cour qui aurait été méconnu, il ne fournit pas suffisamment d’indications sur la similitude des situations visées dans ces décisions, permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée (voir, en ce sens, ordonnance du 26 novembre 2021, Giro Travel Company/Andréas Stihl et EUIPO, C-327/21 P, non publiée, EU:C:2021:966, point 16 ainsi que jurisprudence citée).
20 Partant, l’argumentation du requérant ne répond pas aux exigences énoncées au point 16 de la présente ordonnance.
21 Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par le requérant n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
22 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.
Sur les dépens
23 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
24 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que le requérant supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) M. Wolfgang Kappes supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.