ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
29 avril 2025 (*)
« Pourvoi – Dessin ou modèle communautaire – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance de la question soulevée par le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »
Dans l’affaire C-871/24 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 décembre 2024,
Przedsiębiorstwo produkcyjno – usługowo – handlowe Jopp – Pol Eksport – Import Ryszard Jopp – Krzysztof Jopp sp.j., établie à Ryczywół (Pologne), représentée par Me A. Korbela, radca prawny,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois),
composée de M. T. von Danwitz, vice-président de la Cour, MM. S. Rodin et N. Piçarra (rapporteur), juges,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocate générale, Mme L. Medina, entendue,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Przedsiębiorstwo produkcyjno – usługowo – handlowe Jopp – Pol Eksport – Import Ryszard Jopp – Krzysztof Jopp sp.j. demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 octobre 2024, Jopp – Pol Eksport – Import Ryszard Jopp – Krzysztof Jopp/EUIPO – SmarTT (Pieds de meubles) (T-554/23, EU:T:2024:681), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation et à la réformation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 26 juin 2023 (affaire R 367/2022-3).
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.
Argumentation de la partie requérante
6 À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la partie requérante soutient que celui-ci soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, au sens de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
7 Selon elle, ces questions concernent la définition de la notion d’« utilisateur averti » d’un dessin ou modèle, au sens du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), lorsqu’un tel dessin ou modèle, d’une part, vise un élément d’un ensemble plus vaste qui n’est pas défini et, d’autre part, présente des caractéristiques techniques.
8 Pour définir correctement cette notion, il importerait de déterminer s’il faut prendre en compte uniquement « les questions que se pose une personne qui achète un produit final incorporant un dessin ou modèle communautaire » ou également « les questions que se pose l’utilisateur final de produits incorporant un dessin ou modèle communautaire avant l’achat de ces produits, qui sont ensuite utilisés dans le produit complexe ».
9 La partie requérante fait valoir que lesdites questions n’ont pas encore été examinées par la Cour et que son pourvoi se fonde sur « la nécessité de développer de manière appropriée » la jurisprudence relative aux mêmes questions, « ce qui est également nécessaire pour le règlement de la présente affaire ». Elle ajoute que, si la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C-211/24, LEGO (Notion d’utilisateur averti d’un dessin ou modèle), pendante devant la Cour à la date de l’introduction du présent pourvoi, porte sur la définition de la notion d’« utilisateur averti » d’un dessin ou modèle, au sens du règlement no 6/2002, elle vise une problématique différente de celle soulevée par le présent pourvoi. Néanmoins, l’existence d’une telle demande de décision préjudicielle confirmerait l’importance des questions juridiques que soulève ce pourvoi.
10 La partie requérante fait, par ailleurs, valoir que les questions soumises par le pourvoi à l’examen de la Cour contribueront au développement du droit de l’Union, dès lors qu’elles requièrent l’interprétation de plusieurs dispositions du règlement no 6/2002, à savoir l’article 4, paragraphe 2, sous a) et b), et paragraphe 3, l’article 7, et l’article 25, paragraphe 1, sous b), lu en combinaison avec l’article 6 de ce règlement.
Appréciation de la Cour
11 À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la partie requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 14 mars 2025, Eurosemillas/OCVV, C-774/24 P, EU:C:2025:190, point 12).
12 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 14 mars 2025, Eurosemillas/OCVV, C-774/24 P, EU:C:2025:190, point 13).
13 Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la partie requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C-382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 14 mars 2025, Eurosemillas/OCVV, C-774/24 P, EU:C:2025:190, point 14).
14 En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 14 mars 2025, Eurosemillas/OCVV, C-774/24 P, EU:C:2025:190, point 15).
15 En l’espèce, il ressort de l’argumentation exposée au point 8 de la présente ordonnance que, si la partie requérante identifie dans sa demande d’admission du pourvoi les questions auxquelles, selon elle, la Cour devrait répondre, elle n’énonce pas de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé. En effet, la partie requérante se borne à indiquer que son pourvoi se fonde sur la nécessité de développer de manière appropriée la jurisprudence relative à ces questions. Elle n’explique pas non plus avec une précision suffisante en quoi la prétendue absence de réponse auxdites questions constitue une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal dans l’arrêt du 9 octobre 2024, Jopp – Pol Eksport – Import Ryszard Jopp – Krzysztof Jopp/EUIPO – SmarTT (Pieds de meubles) (T-554/23, EU:T:2024:681), et omet d’indiquer la ou les dispositions du droit de l’Union qui auraient été méconnues. En outre, la partie requérante n’explique pas de manière spécifique pourquoi les mêmes questions sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. À cet égard, elle se borne à indiquer, sans plus de justifications, que les questions sont nécessaires « pour le règlement de la présente affaire » et que, si la Cour « souhaite le[s] examiner, cela aura un impact déterminant sur la préservation de l’unité, de la cohérence et du développement du droit de l’Union ».
16 Dès lors, la demande d’admission du pourvoi présentée par la partie requérante ne satisfait pas aux exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance.
17 Par ailleurs, à supposer même que la notion d’« utilisateur averti » d’un dessin ou modèle, au sens du règlement no 6/2002 n’ait pas encore été définie par la Cour, la circonstance qu’une question de droit n’a pas fait l’objet d’un examen par la Cour ne saurait suffire, à elle seule, à la qualifier de question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, l’auteur d’une demande d’admission est toujours tenu de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère nouveau de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard de ces critères (ordonnance du 14 mars 2025, Eurosemillas/OCVV, C-774/24 P, EU:C:2025:190, point 19).
18 Il en va de même de l’argument de la partie requérante selon lequel une réponse de la Cour à ladite question contribuerait au développement du droit de l’Union, en ce qui concerne les dispositions du règlement nº 6/2002 qu’elle cite. En effet, à supposer qu’une telle réponse impliquerait d’interpréter l’ensemble de ces dispositions, la partie requérante n’avance aucun élément à même de démontrer que le résultat d’une telle interprétation revêtirait une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, au sens de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
19 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la demande d’admission du pourvoi présentée par la partie requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, au sens de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure.
20 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.
Sur les dépens
21 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
22 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) Przedsiębiorstwo produkcyjno – usługowo – handlowe Jopp – Pol Eksport – Import Ryszard Jopp – Krzysztof Jopp sp.j. supporte ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.